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L’Affranchie : une chronique familiale de douleur et d’amour

L'affranchiePar Christian Kazandjian - Lagrandeparade.com/ L’Affranchie, témoignage-fiction, à travers une écriture tout de violence et retenue, retrace la chronique d’une renaissance.

« J’ai 35 ans, la clairvoyance m’a déchiré le cerveau et s’est ruée dans mon enfance. Et je regarde le moutonnement du passé accourant en sens inverse. L’un avec l’autre nous conversons, nous nous comprenons ». Ces lignes, écrites en 1915 sont du Russe Andrei Biely. Elles font, un siècle plus tard, écho au texte de L’Affranchie écrit et joué par Pauline Moingeon Valles. La même douleur, le même isolement face à l’incompréhension de l’entourage, de la société y sourdent. Alice a 36 ans. Elle vient enfin d’emménager, après avoir été ballotée d’une famille à l’autre, d’une institution à l’autre. Elle a été adoptée, à l’âge 4 ans, à la mort de sa mère, par une femme qui a également recueilli son père et un gamin, Vincent. Sa marâtre la fait interner quand à 13 ans Alice est enceinte de Vincent, son « quasi frère ». Quand la pièce commence, elle attend la visite de cet enfant qu’on lui a arraché lorsqu’elle cessa de l’allaiter et qu’elle n’a jamais revu.
Chaque objet déplacé, chaque geste, chaque déplacement provoque le bouillonnement de la mémoire. Elle peut enfin remettre en ordre ses souvenirs, les plus noirs et les plus agréables. Pauline Moingeon Valles endosse tous les personnages qui ont édifié la vie d’Alice, la broyant la plupart du temps. Effacés les brouillards des neuroleptiques, elle peut enfin être écoutée et comprise, ce qui lui fut refusé durant trois décennies. La comédienne joue tous les personnages avec sensibilité car si Alice peut être en colère face au mur d’incompréhension, de condescendance qu’on dresse à son contact, elle ne sombre jamais dans la haine. Au contraire. Elle déborde d’amour pour sa mère dont l’existence aurait changé sa propre vie, pour son enfant, pour son père humilié par la marâtre et même pour cette dernière, malgré les vexations et le mépris endurés.
La mise en scène d’Elise Touchon Ferreira évite les pièges du manichéisme et de la caricature, donnant au verbe toute son importance. Le changement chez Alice se produit par touches légères : le sweat et les baskets de l’adolescence sont abandonnés au profit d’une écharpe, de chaussures à talons ; la silhouette se redresse, prend de l’assurance : une femme libre (re)naît des cendres d’un passé qui a failli avoir raison de sa personnalité singulière et bafouée. L’humble carton qui renferme quelques objets est là pour rappeler la fragilité du personnage, tout comme le miroir où l’image se dédouble, comme peut le faire la personnalité. Et quand les pas de Nim, le fils si longtemps attendu, résonnent, les battements qui enflent réunissent les cœurs de la mère et de l’enfant qu’elle a porté 35 ans plus tôt. Le lien est rétabli, la vie peut enfin démarrer et l’amour s’exprimer sans entrave. Un spectacle de haute sensibilité, servi par une auteure-comédienne épatante et un texte où la trivialité du quotidien est transpercée de fulgurances poétiques et d’émotion.

L’Affranchie
ZUT compagnie
Auteure : Pauline Moingeon Valles
Mise en scène d’Elise Touchon Ferreira
Avec Pauline Moingeon Valles

 

Dates et lieux des représentations: 
- Les 15, 20 et 22 mars 2019 au Théâtre de Nesle, Paris 6e (01.46.34.61.04.)

- Du 5 au 28 juillet 2019 au théâtre Transversal à Avignon pour le festival Off à 12h30.

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