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Singspiele : une performance singulièrement belle et émouvante

  • Écrit par : Julie Cadilhac

singspielePar Julie Cadilhac - Lagrandeparade.com/ Un mur d’arrière-scène sur lequel sont fixés trois portemanteaux à triple patères chargés d’accessoires. De quoi s’asseoir sommairement. Lieu neutre à coloration cependant froide, limite hostile, qui évoque par le montage sonore qui accompagne la performance scénique l'atmosphère d'un arrêt de bus. Un corps d'homme en slip blanc se tient face à nous, son visage est caché par un masque…ou plutôt par une photographie en noir et blanc qui ne cessera de changer durant toute la représentation, l’une après l’autre ôtée avec une précision de métronome.

A chaque nouveau visage, inconnu ou reconnaissable, réel ou imaginaire, l’acteur endosse de nouveaux costumes - qu’il enfile ou tient simplement posés devant lui, change d’accessoires, se déplace ou se fige, nous affronte ou nous fuit…A chaque nouveau portrait, le corps du performeur se métamorphose.
Très vite, un questionnement s'immisce dans l'esprit des spectateurs car l’on ne distingue plus la frontière entre ce qui est de l’ordre de la volonté de l’acteur - qui impose à son corps des attitudes adéquates à l’expression du personnage exposé, afin d’exploiter la potentialité dramatique de l’image… et la subjectivité de notre regard qui peut-être, immédiatement, en découvrant la photographie, calque sur le corps tout entier des représentations de ce qu’il devrait être…Le regard conditionne-t-il tout? Fait-il dire, même, des choses au corps? Ou est-ce les postures du comédien qui font parler les masques? Les deux vont-ils de pair? Ces « masques Â» nous racontent en tous cas tous quelque chose et nous confirment la puissance de l’humain.

Une heure durant l’épatant David Mambouch ( dont on applaudit la précision, la qualité et l’implication physique du travail) va endosser la carapace de dizaines d’individualités, hommes et femmes, en offrant au spectateur une performance singulièrement belle à la résonance plurielle et humaniste. Successives rencontres, aussi éphémères qu’émouvantes, drôles et surprenantes. Du trivial à l’exceptionnel, du féminin au masculin - en n’oubliant pas le transgenre, de l’animé à l’inanimé, au travers de cette galerie pertinente de personnages choisis par Maguy Marin, une palette impressionnante d’émotions et de caractères défile. On croise ainsi une jeune fille timide, un queer au gant de soie, une geisha, un apollon au regard assuré, une vieille dame au sourire bienveillant, un diable menaçant, un présentateur de télé complaisant, une actrice charismatique, une statue grecque…On se rappelera d'ailleurs d'une parenthèse narrative géniale en compagnie d’un drap blanc! A chaque visage disparu, l’impression d’un deuil…on quitte quelqu’un trop tôt et l’on aurait aimé en savoir davantage, comme tous ces gens croisés chaque jour sur son chemin. Certains reviennent, saluent même comme si une familiarité était déjà là…entre nous.

Singspiele? Une réflexion passionnante et fascinante sur le regard… Une ode à la diversité, à la singularité et à la beauté de chaque être. Chaque geste est touchant car précieux. Chaque nouveau visage est un nouveau rendez-vous, une nouvelle histoire. 

Une récréation visuelle empreinte d’humanité que l'on ne saurait trop vous recommander de découvrir...et qui s'achève sur une chute brutale mais...nécessaire!

Singspiele
de : Maguy Marin, David Mambouch et Benjamin Lebreton
conception : Maguy Marin
interprétation : David Mambouch
scénographie : Benjamin Lebreton
lumières : Alex Bénéteaud 
création sonore : David Mambouch

production déléguée : extrapole
coproductions : Théâtre Garonne, scène européenne (Toulouse) ; Latitudes prod ; Daejeon Arts Center ; marseille objectif DansE ; Compagnie Maguy Marin ; Ad Hoc ; extrapole

Dates et lieux des représentations:
- Du mer. 13/02/19 au jeu. 14/02/19 à Montpellier au Théâtre des 13 vents - Tel. +33 (0)4 67 99 25 00

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Par Julie Cadilhac - Lagrandeparade.com / Certes l'enthousiasme final du public influence le jugement critique et le déploiement d'effets de lumière pertinents, la célérité impressionnante dans les changements de costumes et dans les déplacements, la gestion des corps et des objets sur le plateau sont admirables et au service d'une esthétique superbe à applaudir... pourtant on ne peut s'empêcher de trouver que Salves sonne un peu creux ou est en tous cas bien trop cérébral pour permettre à l'émotion de toucher profondément l'âme.
Maguy Marin explique qu'elle a cherché " à faire surgir ces forces diagonales résistantes ( en référence à Hannah Arendt), sources de moments qui survivent dans l'oubli, ces voix qui, au fond des temps, nous font signe". Elle précise que ce spectacle travaille "notre pessimisme et nos peurs et ainsi" échappe " à celle, ambiante, qui nous écrase et nous rend impuissants, tristes et fourbus.". L'ambition de créer un spectacle à portée philosophique oblige à faire du livret de présentation un mode d'emploi indispensable pour comprendre un spectacle et rien qu'en cela, il semble que son intérêt en soit diminué. Assurément, le spectacle génère du sens mais l'ensemble est décousu. A l'instar de la vie diront certains...Sur le plateau, se matérialisent nos angoisses viscérales et l'humour n'est pas absent de certaines scènes. On aime voir la femme à la robe blanche aspirer par la terre meuble, on est fasciné par la rapidité et la dextérité des voleurs d'Art, on sourit malgré nous devant le "banc sauteur". Pourtant on regrette l'utilisation facile de certains clichés, même s'ils sont représentés de façon esthérique: la grande Faucheuse qui traîne le corps dénudé du défunt, le fil d'Ariane ou le filSalves_3.jpg de la vie que tissent les Parques, la mariée étourdie de folie, le meurtre, la sénilité sont montrés en tableaux itératifs, obsédants mais n'interpellent pas tant ils se superposent plutôt qu'ils ne se lient. L'accumulation d'effets sonores agressifs finit par agacer. La fin est une explosion de couleurs et de lumières qui surprend sans raison dramatique. Et puis que vient faire le christ accroché à un hélicoptère téléguidé? En vérité, le non-sens est à la mode et le spectateur contemporain semble apprécier d'être dérangé dans ses représentations, aimer qu'on laisse une large liberté à son interprétation pourtant l'on oublie grandement que si l'absurde est cette difficulté de l'homme à comprendre le monde dans lequel il vit, la peinture d'un chaos sans l'ombre d'une solution peut être inconfortable et ne pas remporter l'adhésion complète du public....

Salves
Conception : Maguy Marin
En collaboration avec Denis Mariotte


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