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Sur la route de Roukiata : femme stylée au Burkina Faso

sur la routePar Guillaume Chérel - Lagrandeparade.fr/ Je demande la route, au Burkina, c'est une manière d'être adoubé par les anciens que l'on va saluer, consulter avant de partir. La route de Roukiata Ouedraogo fut longue et parsemée d'embûches mais pleine de vie et de surprises. Et ce n'est pas fini. 

Originaire du « Pays des Hommes-Intègres » (et de Sankara, le Che Guevara africain), alias le Burkina Faso, Roukiata Ouedraogo a fait de son accent africain, dont elle avait honte en débarquant en France, une force. Après son passage au Lucernaire, où elle a triomphé avec son spectacle "Je demande la route", elle est passée à une salle plus grande (le Théâtre de l'œuvre) pour raconter le long parcours qui l'a mené de son école primaire, où elle récitait la fable de la cigale et la fourmi, à France Inter, où ses chroniques ravissent plus d'un million d'auditeurs. Mais avant cela elle fut animatrice, nounou, comédienne de théâtre de rue, maquilleuse, danseuse. ..
"Je demande la route" n'est pas un one woman show, car elle n'est pas seule en scène, tant elle réussit à incarner une galerie de personnages hauts en couleur, et sans jeu de mots. Que ce soit le professeur sévère, qui n'est de bonne humeur que les jours de paie ; sa mère, évidemment (forte personnalité), comme son grand-père, ancien tirailleur, qui lui offre ses godillots pour qu'elle n'ait pas froid en hiver... Car elle part en France, où elle rêve de devenir styliste. On lui fait vite comprendre qu'elle ferait mieux de travailler dans le social, vue la tête qu'elle a. Son premier job est caissière dans un supermarché mais elle confond les francs CFA. C'est toute une époque (France-Afrique post coloniale) qu'elle nous raconte, à la manière d'un griot-femme, sous l'arbre à palabres.
Drôle, sensible et sans tabous, Roukiata casse les codes du genre pour insuffler de l'humour à ces années de... galères, faut dire ce qui est, mais dans la bonne humeur. Car ce n'est pas une légende de dire qu'on aime rire au Burkina, comme au Sénégal, où l'on peut se traiter d'esclave sans se vexer pour autant. Enfant, Roukiata rêvait d'être aussi heureuse que dans une Novela brésilienne... Elle s'est retrouvée logée sous les toits de Paris entourée de voisins froids comme des portes de prison. Mais rien ne l'a découragée. Malgré les coups de pompe, chacune de ses aventures est l'occasion d'une réflexion drôle sur les décalages culturels entre la France et l'Afrique. Plutôt que de se plaindre, c'est avec une légèreté mordante qu'elle se remémore son excision (!), enfant, puis le dur parcours d'une « migrante » (on disait immigrée il y a peu) désargentée et non diplômée. Rien de mieux que l'autodérision pour relativiser : oui, sa famille compte sur elle pour l'argent. Oui le quartier de Château Rouge, où elle travailla chez un coiffeur-institut de beauté, est une mini capitale parigot-africaine, où il fait bon se ressourcer. Roukiata a tracé sa route pour arriver où elle en est. Sa bourlingue artistique ne fait que commencer : elle écrit un livre, se lance dans la BD, cuisine, joue la comédie, fait de la radio, le cinéma va forcément s'intéresser à elle, pour des rôles autres que femme de ménage, nounou, ou putes (dixit)... Son spectacle est bien éclairé et sobrement mis en scène par Stéphane Eliard et Ali Bougheraba. Allez voir Roukiata, à Paris, et bientôt en tournée, jusqu'au 25 mai : ça coute moins cher qu'un billet d'avion pour Ouagadougou et son énergie positive est contagieuse!

Je demande la route
Avec Roukiata Ouedraogo
Mise en scène : Stéphane Eliard
Collaboration artistique : Ali Bougheraba
©fabienne_rappeneau

Dates et lieux des représentations:
- Jusqu’au 24 avril 2019 au Théâtre de l'œuvre, les mercredis à 21 h ( 55, rue de Clichy – 75009 Paris. Infos et réservations : 01 44 53 88 88)

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