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URSS 1970 : la plongée passionnante dans le quotidien de la famille Papova

URSS 1970Par Xavier Paquet - Lagrandeparade.com/ Dès l’entrée sous le décor classique et chargé d’histoire du théâtre Déjazet, nous sommes en immersion. Accueillis par une membre du KGB offrant verre de vodka, accompagnés en musique traditionnelle russe par des comédiens déjà sur scène. L’immersion sera le cœur même de cette création originale. Immersion dans l’URSS des années 1970, immersion dans le système socialiste autoritaire de Brejnev, immersion dans le contexte de la guerre froide. Immersion dans le quotidien ordinaire d’une famille de l’époque soviétique. Plongée dans une Kommunalka, appartement communautaire où les familles désargentées par le régime vivent en cohabitation ; chacune ayant une chambre et devant partager cuisine et salle de bain. Cette promiscuité crée le malaise, la méfiance, l’espionnage voire la délation pour se débarrasser de ses colocataires de(‘in)fortune.

Plongée dans le quotidien de la famille Papova. Lena, jeune femme enceinte rêve d’un nouveau départ et d’une vie meilleure pour son futur enfant. Son mari, Youri, intellectuel juif subit les brimades et répressions de l’antisémitisme d’état. Cela tombe bien, les Etats unis et Israël font pression sur Moscou pour inciter à l’exil : le couple se décide à partir et nous le suivons dans les derniers jours avant le départ. Dans leur périple, ils veulent emmener Olga, la mère de Lena, combative mais attachée à son pays natal. Lena rêve d’une autre vie, s’éprend de cinéma étranger comme symbole du rêve démocratique occidental. Elle incarne l’envie et le combat pour refuser son quotidien. Son mari, infidèle qui a soif d’idéal, est secret et méfiant. Leur voisin, Ivan, vieux loup solitaire aime défendre les valeurs de sa patrie, endoctrine volontiers et espionne en bon camarade proche du KGB.

La pièce raconte les rêves d’exil, la peur de l’inconnu, l’attachement à un pays, à ses souvenirs ou à sa propre histoire : entre l’espoir de partir et la volonté de rester par peur ou habitude, la famille se déchire. A la fois douce et cruelle, drôle et émouvante, l’écriture transmet cette soif d’idéal et le parcours semé d’embuches, de peurs et de désillusions pour y arriver. Elle dénonce également la corruption, la dénonciation et l’absence de liberté d’une dictature. L’absurdité du système est mise en lumière par un conteur narrateur, présent par intermittence : il décrit avec brio, humour et apartés de légèreté le fil historique de la pièce, les caractères des personnages et l’évolution de l’action. Il est accompagné par un musicien pour apporter une touche de poésie et de rythme à l’ensemble : la musique en symbole d’une liberté dont tous sont privés. Le décor symbolise la tension dramatique de ce huit clos : une table, deux chaises, une radio et des casseroles accrochées au mur représentent la simplicité et le dénuement de cette vie. Cette austérité est contrebalancée par une mise en scène soignée et esthétique comme sur cette scène de fête tournant au ralenti, mettant en avant la pause que s’offre ce peuple russe avec leurs tourments quotidiens. Inspirée de la propre vie des parents de l’auteure, cette histoire humaine et sensible se fond dans la grande Histoire en portrait de cette époque : une société cruelle, hypocrite, où la privation de liberté se mêle à l’inégalité. Dénonçant l’oppression d’un système, le voyeurisme et l’espionnage d’une société qui cherche à tout contrôler, elle résonne avec beaucoup de modernité à notre société actuelle et incite au déracinement de ces entraves. Et à l’exil vers un monde meilleur.

URSS 1970
De et mise en scène Macha Orlova
Avec Jérôme Rodrigues, Viviane Jauffret, Marie Céolin, Victor Bas, Amélie Chauveau, Didier Forest, Macha Orlova, Jean-Luc Gérard

Dates et lieux des représentations: 
- du mardi 20 novembre au samedi 29 décembre 2018 au Théâtre Déjazet - 41 Boulevard du Temple - Paris 3ème - Métro République. 01 48 87 52 55.

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