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L’homme hors de lui : l’époustouflant Dominique Pinon « en anatomie ouverte et en grammaire apparente »

  • Écrit par : Julie Cadilhac

hors de lui Par Julie Cadilhac - Lagrandeparade.fr/ Un homme qui soliloque, ça peut promettre une soirée franchement mortelle…surtout lorsque la langue pratiquée flirte avec le conceptuel, le spirituel, l’absurde et la poésie et sollicite vos neurones - dans l’impossibilité évidente de rester inactifs devant la logorrhée hyperactive de l’interprète principal du plateau.

Pourtant, et c’est bien cela qui relève du jubilatoire dans "L'homme hors de lui", très vite on est happé par ce fou-losophe qui tord le verbe avec une furieuse envie d’en découdre avec les mots, le réel, les gens, le langage, la représentation, le vivant, le mort, la mort…et on en passe!
Accompagné d’un « ouvrier du drame Â», contrepoint pince-sans-rire d’une efficacité redoutable, et du musicien Christian Paccoud, Dominique Pinon s’ingénie pour notre plus grand plaisir à déployer une énergie prodigieuse au service d’une crise existentielle tonitruante, offre quelques morceaux chantés désopilants ( Ah la « chanson d’Oedipe chantée sans complexe! Â») et laisse le spectateur épaté par sa capacité effarante à rendre intelligible et exquis un texte terriblement exigeant. Valère Novarina donne en effet à entendre un essai dramatique stupéfiant d’intelligence et de dextérité littéraire où le prosaïque côtoie les envolées lyriques les plus allégoriques et facétieuses (d’ailleurs, à la sortie, tous les exemplaires à la vente du texte disparaissent aussitôt, le public ressentant le besoin impératif de se replonger ensuite dans cet « Homme hors de lui Â»). Les toiles de Valère Novarina - qui sont déplacées régulièrement sur la scène  pour inviter l’oeil à explorer de nouvelles perspectives - accompagnent avec pertinence ce delirium poétique et décalé.

[bt_quote style="default" width="0"]Gens du réel, cessez de vous prendre pour des agents de la réalité! [/bt_quote]

Dominique Pinon a des airs de feu-follet joueur ; il incarne avec brio cette âme qui a « vécu pour se venger d’être Â» et qui compulse des listes succulentes de virtuosité…dont celle - par exemple- de tous les temps dont on n’apprend pas les conjugaisons en classe mais qui obsèdent nos destinées : «  le presque passé Â», « le présent terminé Â», « le lointain permanent Â», «  l’achevatif Â», «  le plus-que-perdu Â»â€¦.Acteur génial spécialisé dans la « pratique du vide Â», il remplit le plateau d’une présence mémorable et on lui souhaite de rester le plus longtemps possible ce « soliloquier un peu partout Â» sur les scènes francophones !

[bt_quote style="default" width="0"]J'avais huit ans déjà tout rond et j'étais déjà un enfant révolu; j'avais huit ans, et j'avais déjà le corpuscule blanc qui pendait à mon matricule blanc ; puis neuf ans mathématiquement l'an plus tard - et puis soudain cinquante-sept et puis soudain septante-huit dont vingt-six d'inconduite, deux en participation, dix-neuf en négation, dix-huit en incapacité, cent vingt-huit en contradiction, quinze e falsification, un quart en thème logique, et vingt sur vingt en refus. Je m'épanouissais en secret, perché parmi les arbres, me nourrissant d'espoir et m'entraînant secrètement à me désavouer moi-même avant d'aller au pire en entraînant dans ma chute jusqu'au verbe tomber.[/bt_quote]

L’homme hors de lui
Texte, mise en scène et peintures : Valère Novarina
Par : Dominique Pinon
Musique : Christian Paccoud
L’ouvrier du drame : Richard Pierre
Collaboration artistique : Céline Schaeffer
Lumières : Joël Hourbeigt
Scénographie : Jean-Baptiste Née
Dramaturgie : Roséliane Goldstein
Costumes : Céline Schaeffer assistée de Marion Xardel
Compositrice et interprète piano : Laurie Barrère
Adaptation et régie lumière : Paul Beaureilles
Régie générale : Richard Pierre
Assistante de l’auteur : Sidonie Han
Production/diffusion : Séverine Péan, Emilia Petrakis / PLATÔ
Construction du décor : Atelier de La Colline
Publication du texte : éditions P.O.L, automne 2018
Production : L’Union des contraires
Coproduction : La Colline, théâtre national en accueil en résidence pour la reprise : Théâtre de Vienne / avec le soutien du Ministère de la Culture, DGCA, Délégation au théâtre
Durée : 1h10

Dates et lieux des représentations:
- Du 11 au 14 décembre 2018 au Théâtre des 13 vents - Montpellier


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