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Love Love Love : Absolutly Marvelous ...ou La colère des baby-boomers...

theatrePar Guillaume Chérel - Lagrandeparade.fr/ Au début de "Love, Love, Love", pièce anglaise, on se dit que l'acteur dégarni du caillou qui joue le jeune glandeur censé avoir 19 ans, dans un salon à Londres, n'est pas très réaliste. Et puis on comprend que le même personnage sera suivi de 1967 à 2011.

Pris dans l'action, et l'ambiance, le public oublie cette invraisemblance. Car l'essentiel n'est pas là. La pièce "Love, Love, Love" de Mike Bartlett – auteur réputé de l'autre côté de la Manche - est représentée dans les pays de langue anglaise depuis un bon moment déjà. Publié chez Actes Sud en 2017, le texte n'emprunte pas pour rien son titre à la célèbre chanson des Beatles, qui a marqué la jeunesse de la fin des années 60. Il en dit long sur l'évolution politique et idéologique de la société anglaise, des années hippies, peace and love, aux années Thatcher (1990), à nos jours. Son adaptation théâtrale donne à voir l'évolution d'une famille sur trois générations. Ses amours, ses tromperies, l'alcool, ses divorces, ses rêves de liberté oubliés dans une cité dortoir...
Mis en scène par Nora Granovsky, quatre comédiens jouent une sorte de Festen (règlement de comptes familial), porté par une écriture cinglante. Kenneth (Bertrand Poncet) et Sandra (Jeanne Lepers) se rencontrent chez le frère du premier et tombent amoureux devant la télé (une retransmission mondiale genre mariage princier). Puis il y a Rose (Juliette Savary) et Jamie (Emile Falk-Blin), leurs enfants, dont on fait la connaissance adolescents, en 1990, avant de les retrouver à l'âge adulte, en 2011. Et là on pense à Ab'Fab, cette hilarante série anglaise, où deux copines issues des années 60 passent leur temps à picoler, fumer des pétards, faire la fête quoi, sous les yeux outrés d'une jeune fille ultra raisonnable. Jeanne Lepers le joue à merveille : elle crève le plateau, pour ne pas dire l'écran... ça commence léger, on se marre, puis ça grince, parce que les enfants ont trinqué à la place de leurs parents, aux prises avec leurs contradictions. Leur manque de maturité. Leur irresponsabilité.
La scénographie de Pierre Nouvel use de la vidéo avec le juste nécessaire. "Love, love, love" est certes une comédie, mais une comédie acerbe. Les décennies qui passent mettent à mal les utopies dans lesquelles a baigné la jeunesse insouciante de Sandra et de Kenneth. Après onze années d'ultralibéralisme « thatchérien », pendant lesquelles ils se sont adaptés en bossant comme des chiens, comprend-t-on, puis la « mondialisation » née au tournant du XXIème siècle, l'avenir de Jamie et de Rose s'est assombri. Contrairement à celui de leurs parents qui, installés dans le confort de leur retraite dorée, envisagent de vider leur compte en banque pour faire le tour du monde. En s'aimant à nouveau... Quelle société et quelles valeurs ces survivants des Trente Glorieuses ont-ils transmis à leurs enfants ? Leur fils, à force de gober des pilules aux raves techno, devine-t-on, est devenu gaga, collé à son smartphone. Et leur fille se révolte (elle pourrait porter un gilet jaune) en réglant ses comptes. L'heure des revendications a sonné. Elle galère par « leur faute », pense-t-elle, donc elle leur réclame « une maison ». De l'argent, quoi. Les parents eux ne voient pas ça comme ça. "Love, Love, Love", comme toutes les bonnes oeuvres d'art, ne donnent pas de réponse, ce spectacle pose les bonnes questions .Hippies soixanthuitards contre baby boomers : faites vos jeux !

Love Love Love
De Mike Bartlett
Mise en scène : Nora Granosky
Avec Bertrand Poncet, Emile Falk-Blin, Jeanne Lepers, Juliette Savary.

Traduction : Kelly Rivière, Blandine Pélissier 
/ Création sonore : Antoine Pesle 
/Création vidéo et scénographie : Pierre Nouvel 
/Lumières : Fabien Sanchez
Costumes : Nora Granovsky
Durée : 2h

Dates et lieux des représentations:
- Jusqu'au samedi 29 décembre 2018 à 21 h au théâtre de Belleville (94, rue du Faubourg du Temple – 75011 Paris) Métro Goncourt / Belleville. Tel : 01 48 06 72 34 / theatredebelleville.com

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