Logo

La route du levant : le choc de la violence et de la haine

métallosPar Julie Cadilhac - Lagrandeparade.fr/ La route du levant interroge, sans manichéisme, les mécanismes d’une radicalisation. Un stimulant pour la réflexion et l’échange. Le bureau, d’un commissariat de banlieue, en France (mais ce pourrait être en Belgique ou ailleurs). D’un côté un policier, de l’autre, un prévenu : garde à vue. La scène a été jouée des dizaines de fois au cinéma. Mais La route du levant nous donne à voir une confrontation de tout autre type : face au flic, il ne s’agit plus d’un délinquant, d’un criminel, mais d’un jeune soupçonné de se préparer à partir au Proche-Orient pour rejoindre les djihadistes. Durant une heure chacun d’eux jouera sa partition de dissimulations, de mensonges, de prises de gueule, de saillies ironiques, car il s’agit de déstabiliser l’adversaire, l’ennemi. On assiste à l’exposition de deux appréciations de la société. Le jeune converti à l’Islam apparaît en quête de sens dans une société qui trie dès l’école les individus : ceux nés du bon côté du périphérique ou du quartier et les autres qui ne se verront offrir que chômage, discriminations, vexations -certains basculeront vers le deal ou la radicalisation- ; la religion peut alors servir d’exutoire, de justification, tant au sein des réseaux islamistes que dans ceux de suprématie blanche ou autres avatars d’extrême-droite. Le policier, madré, est, pour sa part, au service et aux ordres d’un Etat qui répond aux problèmes de radicalisation par la répression, malgré l’échec patent de mesures qui, de plus, mettent en danger les libertés individuelles et collectives. La pièce soulève toutes les interrogations qu’ont fait naître les actes terroristes en Europe. Qu’est ce qui pousse un jeune citoyen d’un pays, appartenant aux couches populaires marginalisées ou aux milieux aisés et cultivés, à choisir la voie de la violence, du meurtre et du sacrifice de sa vie ? Où les institutions, l’éducation, la famille ont-elles failli vis-à-vis de ces jeunes ? Et ultime question : que faire face à ce problème susceptible de miner les fondements du pacte social permettant aux citoyens d’un pays de vivre ensemble ? Le texte de Dominique Ziegler et la mise en scène de Jean-Michel Van den Eeyden abordent avec tact un thème délicat s’il en est, évitant les écueils du cliché, de la caricature et de la stigmatisation. Et La route du levant est servie par deux remarquables comédiens, Jean-Pierre Baudson et Grégory Carnoli, qui donnent à leur personnage une belle épaisseur, faite de rouerie, de fêlures, de sensibilité : d’humanité en somme. Quant au dispositif scénique -spectateurs placés de part et d’autre de la scène- il contribue à faire d’eux les témoins et les juges, à tout le moins, les jurés du drame. Se faisant face, les spectateurs sont comme forcés de se voir, de se regarder. Comme s’il s’agissait d’un appel à la société qui doit apprendre à ne pas détourner le regard et à se parler.

La route du levant
De Dominique Ziegler
Mise en scène : Jean-Michel Van den Eeyden
Avec Jean-Pierre Baudson et Grégory Carnoli
Durée : 1h20
A partir de 15 ans

Dates et lieux des représentations: 
- Du 20 au 24 novembre 2018 à la Maison des métallos (01.47.00.25.20), Paris 11e

powered by social2s
Copyright © 2015 LAGRANDEPARADE – All rights reserved