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L’Occupation : Romane Bohringer et les maux jaloux

occupationPar Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Elle se lance sur la scène. Les mots se bousculent. Des mots qu’on a lus en 2002 lors de la parution de « L’Occupation », court roman signé Annie Ernaux. On lit, on entend : « C’est pourtant moi qui avait quitté W. quelques mois auparavant, après une relation de six ans. Autant par lassitude que par incapacité à échanger ma liberté, regagnée après dix-huit ans de mariage, pour une vie commune qu’il désirait ardemment depuis le début. On continuait de se téléphoner, on se revoyait de temps en temps. Il m’a appelée un soir, il m’annonçait qu’il déménageait de son studio, il allait vivre avec une femme »… Une femme universitaire, la cinquantaine, mère d’une adolescente et habitant le chic 7ème arrondissement de Paris. On lit, on entend aussi, encore : « Cette femme emplissait ma tête, ma poitrine et mon ventre, elle m’accompagnait partout, me dictait mes émotions. En même temps, cette présence ininterrompue me faisait vivre intensément… J’étais, au double sens du terme, occupée ». Tous ces mots, tous les mots d’Annie Ernaux, grande romancière de l’auto-fiction, sont pris, repris, faits siens par Romane Bohringer. 

La comédienne, 45 ans et qui a débuté au théâtre à 20 ans dans « La Tempête » de Shakespeare mise en scène par Peter Brook aux Bouffes du Nord à Paris, a dit et répété s’être « d’abord plongée dans « L’Occupation » avec curiosité mais sans éprouver, dans un premier temps, d’émotions folles. Il m’a fallu plusieurs semaines avant de comprendre l’immensité de l’œuvre, la puissance des images et la justesse des mots ». Avec la présence discrète, efficace et intelligente du musicien Christophe « Disco » Minck, Romane Bohringer porte seule le texte d’Annie Ernaux. Et dès les premières minutes d’un spectacle d’un plus d’une heure, elle brille tant par sa délicatesse que par son audace. Les maux jaloux et les mots de la séparation de la romancière, elle les accapare, les malaxe, les fait bondir.
La dérive va durer six mois. La professeure de lettres, vivant seule, est « occupée » par cette autre femme dont on ne connaitra ni le nom ni le visage. Et sur scène, toute en fougue et gourmandise, la comédienne vibre, murmure, crie. Les mots. Les maux. Ceux de la jalousie, de la séparation. C’est violent- ça cogne, et ça marque à tout coup. On ne dira jamais assez la brillance de l’interprétation de Romane Bohringer, servie par une efficace mise en scène de Pierre Pradinas. On en dira jamais assez la nécessité et l’urgence d’aller voir- et même revoir, « L’Occupation »…

« L’Occupation » d’après le texte d’Annie Ernaux.
Mise en scène : Pierre Pradinas, avec Aurélien Chaussade et Marie Duliscouët
Avec Romane Bohringer et le musicien Christophe « Disco » Minck.
Musique originale : Christophe « Disco » Minck.
Scénographie : Orazio Trotta / Simon Pradinas.
Lumières : Orazio Trotta.
Images : Simon Pradinas.
Son : Frédéric Bures.
Durée : 1h05.

Dates et lieux des représentations :
- Du jeudi au samedi, 19h. Dimanche, 17h30. Jusqu’au 2 décembre 2018 au Théâtre de l’œuvre ( 55 rue de Clichy, 75 009 Paris ) - Tél. : 01 44 53 88 88 - www.theatredeloeuvre.fr

 

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