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La nostalgie du futur : de l'art d'allumer et d'éteindre les ampoules avec Pier Paolo Pasolini

la nostalgie du futurPar Julie Cadilhac - Lagrandeparade.fr/ Sur le plateau, une épave de bois patiné par le temps. Sur le mur d’arrière-scène, de grands panneaux permettant de projeter des séquences vidéos, tantôt extraites de films ou d’interviews de Pier Paolo Pasolini, tantôt divagations visuelles poétiques et oniriques superbes dialoguant avec pertinence avec ce qui se joue sur les planches.

On pénètre d'abord dans un univers intemporel où l’absurde invite à la réflexion philosophique, le décousu apparent des séquences à une convergence des fragments d’idées déployées. Deux clowns « sans pays », gauches et attendrissants, en proie à leurs interrogations existentielles ( « Un monde où tout est à sa place sauf nous. Nous sommes imparfaits. ») , divaguent de clairière en clairière, de bassin d’eau claire en tapis de feuilles. Ils croisent des créatures tout aussi fascinantes que fantasmagoriques, écoutent les explications anatomico-scientifiques d’un « maître-nageur hallucinant » à propos des réactions chimiques complexes de la luciole…et se prêtent en compagnie d’autres personnages excentriques à la reproduction de scènes d’anthologie du réalisateur italien Pier Paolo Pasolini .

[bt_quote style="default" width="0"] Comment Pier Paolo Pasolini jugerait-il notre monde contemporain dans lequel l’argent creuse de plus en plus d’inégalités révoltantes ? Où en sommes-nous, justement, de notre rapport à la révolte, à la révolution ?[/bt_quote]

En compagnie du philosophe Guillaume Le Blanc, Catherine Marnas rend hommage à Pier Paolo Pasolini et sa pensée visionnaire. A l’heure où l’obscurantisme regagne du terrain de manière préoccupante, où « l’ombre horrible de la croix gammée » menace à nouveau et où l’humain à qui l’on transfuse en continu des idéaux pré-formatés et des besoins consuméristes insatiables, a perdu le sens et le goût de tout... « Ombre sans soleil » il erre, conditionné, dans une caverne bien sombre. L’oeuvre de Pasolini, devenant objet d'étude et de révélation mystique, fait presque fonction ici de « purgatoire des âmes ». C'est l'heure d'une introspection raisonnée sur ce que nous sommes, ce que nous voulons et quels choix nous sommes prêts à faire pour l'avenir. Accompagné des mots de celui qui disait « Je suis une force du passé; je viens des ruines », ce spectacle soulève la question de la nature du bonheur qui ne s'achète pas, contrairement à ce que la société capitaliste nous martèle et n’est peut-être, tous comptes faits, que « la manière dont on regarde » le monde, une grande fête où chacun trouve sa place avec ses fantaisies et ses différences. Ce bonheur, détaché de toute dimension consumériste et somme toute terriblement poétique et rêveur, semble tourné vers le passé...alors, sur scène, l’un des comédiens s’insurge : stop à cette nostalgie et à ce mépris des nouvelles générations. Si l’on regrette les nuggets, symbole du capitalisme triomphant de la bouffe américaine, ce regret est-il moins noble ? Non, répond cette pièce sensée, la nostalgie, c’est tout simplement une rage nécessaire, une prise de conscience d'un état d’urgence que font résonner les poètes. Un cri rappelant - à ceux qui ont oublié - combien c’était beau un parterre de lucioles à la nuit tombée et ces « beaux regrets d’autrefois » dont nous devons nous saisir pour faire écrouler, clou après clou extirpé, les monuments d’injustice, de haine et de violence que le monde contemporain érige avec une froideur bureaucratique…

[bt_quote style="default" width="0" author="Pier Paolo Pasolini"]Sans cesse changer de conversation pour ne pas avoir à regarder la vérité en face. [/bt_quote]

"La nostalgie du futur", c'est un manifeste nostalgique mais non défaitiste qui rappelle que chaque individu contient en lui-même la possibilité d’une révolte et la force d’un effet boomerang …

De cette pièce, le public appréciera autant la valeur documentaire et didactique autour de l’oeuvre de l’écrivain, poète, essayiste, journaliste, scénariste et réalisateur italien - qui donne envie de replonger dans ses textes fabuleusement rédigés et empreints d’un engagement radical mais aussi dans son oeuvre cinématographique transcendante aux références classiques nombreuses et à la poésie chargée de sacrée et de mythique, les pistes philosophiques développées par Guillaume Le Blanc qui ajoutent une épaisseur passionnante à l’ensemble et la mise en scène singulièrement efficace de Catherine Marnas qui s’est saisie avec intelligence des caractéristiques esthétiques de l’oeuvre du maître italien et en a extrait la substantifique moelle dans une divagation théâtrale inspirante au travail scénographique et plastique remarquable. A voir! 

[bt_quote style="default" width="0" author="Pier Paolo Pasolini"]Aujourd’hui les gens sont malheureux parce qu’ils n’atteignent pas un idéal formaté.[/bt_quote]

La nostalgie du futur
Textes : Pier Paolo Pasolini et Guillaume Le Blanc
Mise en scène : Catherine Marnas
Acteurs : Julien Duval, Franck Manzoni, Olivier Pauls, Yacine Sif El Islam, Bénédicte Simon
Assistante à la mise en scène : Odille Lauria et Rita Grillo (en alternance) /
Scénographie : Carlos Calvo
Son : Madame Miniature assistée de Jean-Christophe Chiron
Lumières : Michel Theuil assisté de Clarisse Bernez-Cambot Labarta
Conception et réalisation des costumes : Edith Traverso assistée de Kam Derbali
Régie plateau : Cyril Muller
Construction décor :Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine
Chef constructeur décor : Nicolas Brun
Régisseur général : François Borne

Production TnBA – Théâtre du Port de la Lune / coproduction Théâtre Olympia – Centre dramatique national de Tours

Dates et lieux des représentations:
- Du sam. 20/10/18 au jeu. 25/10/18 au TNBA - Bordeaux - Tel. +33 (0)5 56 33 36 80
- Du mar. 06/11/18 au sam. 10/11/18 au Théâtre Olympia - Tours - Tel. +33 (0)2 47 64 50 50
- Du mar. 14/05/19 au mer. 15/05/19 - NEST - Nord Est Théâtre - Thionville - Tel. +33 (0)3 82 82 14 92

[bt_quote style="default" width="0" author="Pier Paolo Pasolini"]La nostalgie de ceux qui voulaient déglinguer les patrons sans vouloir prendre leur place.[/bt_quote]


[bt_quote style="default" width="0" author="Pier Paolo Pasolini"] Je maintiens que nous sommes tous un danger. [/bt_quote]

[bt_quote style="default" width="0" author="Pier Paolo Pasolini"] Vivre suffisamment longtemps pour marcher sur la tête des rois.[/bt_quote]

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