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Il pourra toujours dire que c’est pour l’amour du prophète : un oratorio théâtral qui terrasse

il pourra toujours direPar Julie Cadilhac - Lagrandeparade.fr/ Peut-être partait-on avec trop d’attentes. L’artiste franco-iranien Gurshad Shaheman nous avait bouleversés dans son « Pourama Pourama » que l’on place volontiers parmi les oeuvres théâtrales de génie qui ont marqué pour longtemps notre mémoire.

Le titre, "Il pourra toujours dire que c’est pour l’amour du prophète", emportait déjà notre adhésion, semblait contenir cette capacité brillante de savoir suggérer avec finesse les choses, de ménager des respirations indispensables, de donner aux spectateurs l’impression de participer en connivence aux interrogations soulevées. Or on a presque eu l'impression d'être pris en otage, d'étouffer dans une atmosphère baignée de lumières aussi sombres qu’assoupissantes et pas un regard pour s’accrocher…puisque, délibérément les comédiens gardent les yeux clos jusqu’à la fin de la représentation. Quelque chose de l’ordre de la douleur s'infiltre dans les tripes du spectateur auquel on impose, en outre, de suivre deux monologues à la fois - exercice intellectuel d’une pénibilité véritable et d’une frustration totale. Alors, évidemment, on sait que Gurshad Shaheman prône un théâtre des sens…où le spectateur est interpelé physiquement et émotionnellement. Si l’objectif est de faire toucher "un peu" à la souffrance des exilés dont nous entendons les témoignages, on comprend la facture de cette heure et demie théâtrale….mais on en ressort vidé…
Le matériau initial était pourtant précieux ; ces nombreux entretiens avec des personnes ayant fui pour des raisons identitaires, politiques, les guerres ou les intolérances de leurs pays qu’a recueillis Gurshad Shaheman, et réécrits superbement par ce dernier, pourraient résonner avec une force et une émotion prodigieuses s’ils n’étaient asphyxiés par la composition électro-acoustique entêtante et épuisante de Lucien Gaudion et une mise en scène trop statique. Les jeunes comédiens sont pourtant justes et émouvants et le coeur se serre lorsque résonnent toutes ces phrases retenues à la volée : «  Pourvu qu’ils ne me tuent pas », « c’est juste un avertissement », « on fendait les ténèbres à toute allure », «  On a eu trop de joie; on va le payer », « Jamais de la lumière au bout du tunnel », « ma vie n’avait aucune valeur, pour personne… » ou encore « C’est la propriété de l’Etat ». Bref, vous l'aurez compris : si le fond est puissant, la forme convainc peu. L’émotion peut être contrainte…mais elle a aussi besoin d’exploser. Sinon on implose. Les êtres dont cette création témoigne encaissent, subissent, font le dos rond…mais ils se battent tout de même…sinon leurs mots ne seraient pas arrivés jusqu’à nous. Et on vient parler d'eux en leur liant encore les poings.

[bt_quote style="default" width="0"]Dans la première valise, tu transportes toute ta mémoire…et après tu ne prends plus que le strict nécessaire…et même là tu pourrais t’en passer…A la fin, ce qui compte, c’est que tu existes encore. [/bt_quote]

Il semble qu’une des fonctions de l’art soit de transcender, quelle que soit la forme choisie, le sujet évoqué. Ici l’on reste trop à terre. Ecroulé sous une chape de désespoir et de réalités sordides. Et même si la réalité décrite est terrifiante, l’artiste se doit, pour qu’elle puisse être largement entendue, d’offrir une lucarne pour laisser entrer la lumière…sans lumière, plus d’espoir, plus de vie. Et les percées lumineuses sont rares dans les monologues qui s'enchaînent.

Ces voix qui témoignent ont forcément une puissance de vie extraordinaire pour avoir résisté à une telle adversité et avoir eu le courage de s’embarquer pour Athènes…On ne peut pas simplement ouvrir les yeux artificiellement juste à la fin du spectacle, comme on balaierait un simple cauchemar…A des paroles d'une telle intensité, il fallait une mise en scène tout aussi percutante.

Il y avait pourtant matière à ce que cette création tombe d'une étoile...

Il pourra toujours dire que c’est pour l’amour du prophète
Avec Tiebeu Marc-Henry Brissy Ghadout , Flora Chéreau, Sophie Claret, Samuel Diot, Léa Douziech, Juliette Evenard, Ana Maria Haddad Zavadinack, Thibaut Kuttler, Tamara Lipszyc, Nans Merieux, Eve Pereur, Robin Redjadj, Lucas Sanchez, Antonin Totot
Et Lawrence Alatrash, Daas Alkhatib, Mohamad Almarashli et Elliott Glitterz

Texte et conception : Gurshad Shaheman 

Dramaturgie : Youness Anzane

Son : Lucien Gaudion

Scénographie : Mathieu Lorry Dupuy 

Lumière : Aline Jobert 

Assistanat à la mise en scène : Thomas Rousselot

Collecte de paroles : Amer Ghaddar
Production Festival Les Rencontres à l'échelle 
Les Bancs Publics (Marseille)
Coproduction Centre dramatique national de Normandie-Rouen,  Pôle Arts de la Scène - Friche la Belle de Mai, Festival d'Avignon, Campus décentralisé Amiens-Valenciennes (pôles européens de création le phénix scène nationale Valenciennes et la Maison de la Culture d'Amiens), CCAM Scène nationale de Vandoeuvre-lès-Nancy, Festival Passages et Théâtre de Liège dans le cadre du réseau Bérénice soutenu par le programme Interreg V Grande Région, École régionale d'acteurs de Cannes-Marseille
Avec le soutien de la Villa Médicis Hors les Murs - Institut français, La chambre d'eau (Le Favril)

En partenariat avec France Médias Monde

Remerciements à Joe et Helen Lebanon (Beyrouth), Marina Galanou et la Greek Transgender Support Association (Athènes)
Durée : 1h30
© Christophe Raynaud de Lage

Dates et lieux des représentations: 

- Du 11 au 16 juillet 2018 au Gymnase du Lycée Saint-Joseph - Festival d’Avignon 2018
- Du sam. 10/11/18 au dim. 11/11/18 à Valenciennes - Le Phénix Scène Nationale Valenciennes -Tel. +33 (0)3 27 32 32 32
- Du mar. 13/11/18 au mer. 14/11/18 - Les Rencontres à l'échelleMarseille -Tel. +33 (0)4 91 64 60 00
- Le 16/11/2018 à Montpellier -Théâtre des 13 vents -Tel. +33 (0)4 67 99 25 00
- Le 22/11/2018 à Amiens -Maison de la Culture d'Amiens -Tel. +33 (0)3 22 97 79 77
- Du jeu. 06/12/18 au ven. 07/12/18 à Rouen- CDN de Normandie - Rouen -Tel. +33 (0)2 35 70 22 82
- Du ven. 08/02/19 au jeu. 14/02/19 à Aubervilliers -Théâtre de la Commune -Tel. +33 (0)1 48 33 16 16
- Du ven. 26/04/19 au sam. 27/04/19 à Vandoeuvre-lès-Nancy - Centre Culturel André Malraux -Tel. +33 (0)3 83 56 15 00

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