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Le Monte-Plats : en attendant les ordres...

le monte platsPar Guillaume Chérel - Lagrandeparade.fr/ « Le Monte-Plats », créée à Londres en 1960, est l’une des premières pièces d’Harold Pinter… et ça se sent. Il y a de l’idée, l’univers « Pinterien » est là mais le dramaturge n’est pas encore complétement lâché. On sent qu’il a lu Becket et a décidé de creuser dans le sillage de l’absurde mais le texte n’est pas aussi dense que ses futures pièces.

Car si tout est dans le non-dit, ou le suggéré, encore faut-il que la mise en scène et l’interprétation assurent pour combler les vides. L’acteur-metteur en scène Etienne Launay a pris le parti de rendre cette pièce cinématographique : l’affiche de son Monte-Plats rappelle celle de Usual-Suspect, et les looks et attitudes de ces quatre jeunes interprètes surfent entre les Tontons Flingueurs d’Audiard et le Reservoir Dogs de Tarantino. Comme dans les films de ces derniers, on ne peut pas dire que l’intelligence est la principale caractéristique de ces tueurs à gage. Car il s’agit de porte-flingues qui attendent leur prochain contrat dans une pièce exigüe, aux allures de grotte. Et, une fois encore, comme dans un film, de Martin Scorsese, cette fois, ils meublent l’attente en parlant de tout et de rien. Surtout de rien. Disons plutôt qu’ils tentent de communiquer. Or, ce n’est pas leur fort.
Ainsi, Gus et Ben attendent, non pas Godot, mais les consignes pour leur prochain « contrat ». Ben lit le journal et Gus se prépare à faire du thé. Le temps passe, long et oppressant, provoquant ennui, impatience et pour finir tensions entre les deux compères. Soudain une enveloppe glisse sous la porte, un monte-plats se met en branle. Ils vont enfin savoir à quelle sauce ils vont être mangés… car du Monte-Plats,  ce sont des ordres étranges qui remontent. Où il est question de préparation de plats, forcément… Gus et Ben prennent ces ordres au pied de la lettre et font tout pour exaucer les désirs de leurs « donneurs d’ordre ». Sauf que c’est impossible avec ce qu’ils ont dans leurs réserves, et dans leur cerveau. D’ailleurs, qui commande ?
On l’aura compris, cette pièce donne à réfléchir sur la tragi-comédie de l’espèce humaine confrontée à l’autorité (voir l’autoritarisme), ses relations avec l’Autre, son rapport avec la société, la hiérarchie et l’asservissement. Le rapport de force. Car les deux exécuteurs d’ordre vont finir par s’entre-dévorer, s’entretuer.
Etienne Launay a choisi de faire jouer la pièce par quatre acteurs qui jouent en miroir. Deux jouent le même rôle que leurs homologues d’en face, sur le plateau. Quand l’un disparait l’autre apparait et continue le texte. C’est original mais passé la surprise on ne comprend pas trop ce que ça apporte au schmilblick. Peut-être eut-il été intéressant de faire jouer les acteurs différemment le même rôle, justement ? C’est inventif mais on se lasse, ça manque un peu de rythme, jusqu’à l’effet en ombre chinoise. Pourtant les acteurs sont parfaits, notamment ceux qui jouent le « soumis », pas si con qu’il en a l’air, puisque lui au moins se pose des questions : sur son statut, son sort, la manière dont il est traité, au contraire de la brute épaisse qui s’énerve pour un rien. Benjamin Kühn, Simon Larvaron, Bob Levasseur et Mathias Minne sont attachants et à fond dans leur rôle. Mais ce huis-clos oppressant finit par devenir pesant, agaçant. Si c’était le but, il est atteint. Pan !

Le Monte-Plats
De Harold Pinter
Mise en scène : Etienne Launay
Avec Benjamin Kün (Ben 1), Simon Larvaron (Gus 1), Bob Levasseur (Ben 2), Mathias Minne (Gus 2)

-Jusqu’au 20 mai 2018, du mardi au samedi à 18 h 30, dimanche à 15 h, au Théâtre Le Lucernaire ( 53, rue Notre-Dame-des-Champs – 75006 Paris. Tel : 01 45 44 57 34 et sur www.lucernaire.fr)  

Le blog de Guillaume Chérel 

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