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Requiem pour Camille Claudel : une femme, une vie en art et en souffrance

  • Écrit par : Christian Kazandjian

RequiemPar Christian Kazandjian - Lagrandeparade.fr/ Anne Delbée a écrit et mis en scène "Requiem pour Camille Claudel", en forme de réhabilitation d’une artiste trop longtemps méconnue.
Camille Claudel (1864-1943). Cela sonnerait comme le marbre froid d’une sépulture, sans Anne Delbée qui a replacé en pleine lumière, celle alors considérée à peine comme la sœur de Paul et la maîtresse et auxiliaire de Rodin. Le livre "Une femme", publié en 1982, a redonné vie à une sculptrice de génie, confinée les trente dernières années de sa vie dans un hôpital psychiatrique. Car son drame fut d’être une artiste, revendiquant sa place dans l’univers des arts et de la société. C’en était trop pour les tenants d’un ordre patriarcal reléguant sœurs et épouses au rang de bouquets de fleurs sèches dans les cocktails quand les amants les cachaient. Revendiquer sa place, singulièrement en tant qu’artiste, ne pouvait que conduire à la marge.
Camille entre à l’asile psychiatrique de Montfavet, pendant la Première guerre mondiale pour ne plus en sortir. Son œuvre considérable (La vague, Sakountala, L’âge mûr entre autres merveilles) s’achève entre les murs froids de l’institution : on lui a arraché ses rêves et sa force créative en lui retirant ciseaux et pinceaux. Sa compagne sera dès lors la solitude ; elle avouera avoir souffert durant sa réclusion de « ne pas avoir de nouvelles » hors quelques visites de son « petit Paul », poète au faîte de sa gloire.
Anne Delbée met en scène "Requiem pour Camille Claudel", honorant ainsi la femme et lui restituant son statut d’artiste. Elle convoque donc Michelangelo Buonarroti, Michel-Ange (joué par Valentin Fruitier), autre génie en butte aux préjugés et petitesses de son temps. Michel-Ange est le frère de Camille en art, son double. Les textes de l’auteur de La Pietà, du peintre du plafond de la chapelle Sixtine, éclairent sur le processus de création, sur les doutes, la douleur, la solitude face à l’incompréhension des gens, notamment les puissants pour qui l’art doit être bassement utilitaire. La folie guette et parfois l’artiste y sombre. Le créateur se met à nu. Camille (Lara Guirao) égrène ses espoirs, ses craintes, ses colères et ses petites joies, malgré ou à cause de l’atmosphère étouffant de l’asile. Anne Delbée narre, interpelle donne de la voix pour la femme cloîtrée à qui on a retiré le droit de parler sinon à des compagnes d’infortune, d’exister en somme.
Le texte d’Anne Delbée est tout de poésie, apaisé parfois, mordant en forme de coup de poing à d’autres moments. La scénographie d’Emilie Delbée est de grandes tentures évoquant les voiles permettant à l’esprit prisonnier d’un corps entravé de s’échapper ; la couleur écrue renvoie à celle des camisoles. La musique où alternent Requiem de Mozart, rock, chansons réalistes, suggère que l’art fait fi des époques, des genres, au risque parfois pour les créateurs d’en perdre la raison voire la vie. Une belle réussite que ce Requiem servi par un texte et un jeu de comédiens tout de passion.
En parallèle, Anne Delbée sonne Les trois coups, une classe de maître par mois. Après Claudel, Malraux, Racine, Hugo, la comédienne auteure de 60 mises en scène de théâtre et opéra, fera entrer les spectateurs dans le monde de Rostand (10 février) et Molière (10 mars). Elle raconte, analyse, échange avec la salle, invitant ceux qui le souhaitent à monter sur scène. Une expérience unique de transmission des grands textes, des anciens aux contemporains.

Requiem pour Camille Claudel
Texte et mise en scène :  Anne Delbée
Distribution : Lara GUIRAO, Valentin FRUITIER et Anne DELBÉE
Scénographie et lumières : Émilie DELBÉE

Dates et lieux des représentations: 
- Du 24 janvier au 3 février 2018 au Théâtre de la Contrescarpe, Paris 5e (01.42.01.81.88)


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