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Sous la glace : de l'oppression du monde moderne et du consumérisme

  • Écrit par : Imane Akalay

sous la glacePar Imane Akalay – Lagrandeparade.fr / Un homme se met à nu - dans tous les sens du terme. Il est d’ailleurs à terre - dans tous les sens du terme. Détaché, souriant, l’adéquatement nommé Jean Personne raconte son enfance solitaire, entre des parents qui ne savent pas l’aimer, et son sentiment permanent et tragique de ne pas exister.

Il se plait à organiser son absence afin de se faire remarquer et d’accéder à l’existence. Dans les aéroports, il arrive systématiquement très en retard aux portes d’embarquement pour entendre son nom appelé à de nombreuses reprises. Adulte, il devient consultant en stratégie et découvre le monde de la grosse entreprise - la machine à broyer les inaptes, les trop vieux, ceux qui ne sont plus suffisamment compétitifs et qui n’arrivent plus à suivre le rythme infernal de la course à l’objectif.

Le texte porté par trois hommes vêtus de costumes sombres et cravatés frôle l’absurde en permanence - jeux de rôles organisés lors des séminaires de team-building et de leadership, statistiques de sondages révélant que « 47% des personnes interrogées aimeraient voir l’histoire d’un phoque trouvant son épanouissement personnel sur fond de musique indienne Â», et le sacro-saint Marché évoqué en boucle avec révérence comme le nom d’un dieu tout-puissant régissant les grands équilibres. Le monde de l’entreprise est un jeu où l’on élimine les losers, ceux dont le Marché n’a pas besoin.

Le jeu des acteurs est excellent, tout en tension, à l’image des professionnels compétitifs et stressés qu’ils représentent. Allure battante, débit de parole ultra rapide, gestes angoissés et violents, course permanente pour obtenir toujours plus ou simplement survivre. Les sonorités stridentes d’une guitare électrique et la violence d’un éclairage au néon soulignent le caractère insupportable des périodes de stress intense dans leur environnement de travail.

Présent du début à la fin du spectacle, au centre de la scène veille un nounours géant, symbolisant l’enfant qui se terre toujours au sein de Jean Personne. Dans les moments les plus angoissants, son cœur rouge s’allume et bat bruyamment, telle une sirène de panique. Ce personnage de papier est aussi vivant, aussi présent que les acteurs.

Il y a fort à parier que dans les personnages ambitieux et angoissés de cet excellent spectacle qui dénonce l’oppression du monde moderne et du consumérisme, se reconnaitront de nombreux spectateurs.

Sous la glace

Compagnie de l’ARCADE
Texte : Falk Richter
Traduction : Anne Monfort © L’Arche Editeur
Mise en scène : Vincent Dussart
Avec Xavier Czapla, Patrice Gallet et Stéphane Szestak
Scénographie : Frédéric Cheli
Lumières : Frédéric Cheli et Jérôme Bertin
Création sonore et musique live : Patrice Gallet
Production : Compagnie de l’Arcade avec le soutien de la Région Hauts-de-France, du Département de l’Aisne, de l’ADAMI,
de la SPEDIDAM, de la Faïencerie-Théâtre de Creil, du Palace de Montataire et de la Manufacture de Saint-Quentin.
Durée : 1h15

Dates et lieux des représentations: 

- Du 6 au 22 décembre 2017 au  Théâtre de l'Opprimé, Paris


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