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Amnésique en musique : un tour de chant qui dérape et des personnages qui se perdent pour mieux se retrouver

  • Écrit par : Virginie Gossart

AmnésiquePar Virginie Gossart - Lagrandeparade.fr/ Un homme et une femme partageant une fois encore la scène pour un récital... Nous savons bien ce que vous vous dites : encore du chabada-bada à la Lelouch. Détrompez-vous. Car ces deux-là ont complètement perdu le fil. Fil du spectacle qu'ils nous présentent, mais aussi fil de leur vie et surtout, fil de leur mémoire corrompue. 

Lorsque le spectacle commence, la chanteuse que tout le monde attend sur scène est assise parmi le public et exprime son impatience face au retard des artistes. C'est son propre pianiste qui doit venir la rappeler à l'ordre. Sauf que le pianiste en question a une fâcheuse tendance à utiliser son instrument pour faire des pompes ou à laisser divaguer son corps dans des postures pas toujours très orthodoxes... On comprend bien vite que ce duo bancal va nous entraîner dans une douce folie musicale et burlesque. De couacs en dérapages et digressions ludiques, leurs mémoires respectives semblent en effet leur jouer des tours pendables : lorsque l’amnésie s’invite dans un tour de chant qui devrait être parfaitement rôdé, tout devient sujet à répétitions, balbutiements et situations grotesques. On reprend des airs déjà joués, on oublie que le spectacle a commencé, ou même qu’il y a spectacle, on ne connaît plus les paroles, la place des instruments, ni même sa propre langue. Une samba se transforme tout à coup en une danse loufoque et un peu trop suggestive. La situation devient alors imprévisible. Alex, le régisseur, tente d'aider la chanteuse et son pianiste à poursuivre tant bien que mal leur gala à la fois absurde, drôle et surréaliste.

Repéré aux côtés de Patrice Thibaud, en complice précieux (notamment dans Cocorico, Jungles, et Fair-Play), Philippe Leygnac embarque cette fois Agnès Debord dans un numéro de music-hall complètement décalé mais toujours teinté d'inventivité et de poésie. À eux deux, assistés de l’homme à tout faire Alexandre Chabbat qui tente de rattraper les situations les plus rocambolesques, ils parviennent à nous faire entendre la petite musique de l'oubli et de la reminiscence, de la solitude et du lien, de la relativité du passé et de la magie du présent. Sur un sujet qui pourrait vite sombrer dans le drame (les maladies dégénératives et leurs conséquences sur l'identité du sujet et son rapport aux autres), Philippe Leygnac réussit à montrer avec pudeur et humour que c'est finalement dans l'oubli et la perte des repères que les personnages retrouvent le lien et la sincérité que l'habitude avait peu à peu effacés. Il fait ainsi de son spectacle un hymne à la musique et à l'amour : comme il le dit lui-même au sujet de ses deux protagonistes, "le rythme et la musique deviendront avant tout leur lien de communication principal. Et ce n'est certainement pas le fruit du hasard". On peut regretter la dimension de la scène du théâtre Bernadette Lafont, qui ôte parfois à ce spectacle le caractère intimiste qui devrait rester le sien. Mais cela n'enlève rien à l'originalité de cette création à la fois fantasque et émouvante : la petite musique tragi-comique jouée par la chanteuse étourdie et son homme-orchestre vous restera sans doute longtemps en tête après avoir vu et entendu leur récital.

AMNÉSIQUE EN MUSIQUE
UNE IDÉE DE PHILIPPE LEYGNAC
CRÉATION COLLECTIVE SUR DES MUSIQUES ET CHANSONS DE PHILIPPE LEYGNAC
MISE EN SCÈNE : JULIEN FEDER
ASSISTANAT À LA MISE EN SCÈNE : ALEXIA DUC
CRÉATION LUMIÈRES : CHARLOTTE DUBAIL
DRAMATURGIE : MARIE DURET-PUJOL
CRÉATION COSTUMES : ANATOLI PAPADOPOULOU
AVEC ALEXANDRE CHABBAT, AGNÈS DEBORD et PHILIPPE LEYGNAC

DURÉE : 1H

Dates et lieux des représentations: 
- Le MARDI 10 OCTOBRE 2017 20H - THÉÂTRE BERNADETTE LAFONT


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