Menu

La nuit des taupes : un petit bijou d'inventions scéniques et scénographiques

  • Écrit par : Julie Cadilhac

TaupesPar Julie Cadilhac - Lagrandeparade.fr/ On s'était déjà demandé pour "La mélancolie des dragons" s'il ne faudrait pas classifier le genre "Philippe Quesne" dans le clown...tant c'est d'une cocasserie délicieuse. Tant le corps y est sollicité avec une intelligence pertinente, tant il est au coeur du propos. Tant y est cultivé un art recherché du déséquilibre. Tant ce qui compte s'avère dans l'être-là, la capacité à occuper le plateau de ses fragilités et de son essence même. Et puis Objet Théâtral Singulier colle mieux.

Ici, en l'occurrence, tous les comédiens sont intégralement costumés en taupes aux grosses paluches et aux bouilles attachantes. Un bravo tonitruant, d'abord pour les costumes de Corine Petitpierre : ces taupes personnifiées séduisent immédiatement de par leur singularité. Philippe Quesne nous invite à les suivre dans leur quotidien pas si animal que ça. Du repos du guerrier bien mérité avec l'épuisement des galeries creusées aux connivences potaches entre potes, des funérailles de l'un ( le "Ne me quitte pas à la sauce rock-taupe est délicieux au passage) à la naissance de l'autre " c'est un petit garçon!", de la copulation à la restauration ( déjeuner goûlu de vers de terre), de la représentation avec une cantatrice taupe à la communion rituelle, il y eut un soir et il y eut un matin et si les taupes sont myopes, on y voit tout de même bien mieux. Un peu à la manière de La Fontaine, Philippe Quesne imagine une fable qui mêle distraction et réflexion. On y fait du toboggan, de la gratte, de la spéléologie, du graffiti et de l'illustration, pêle-mêle...et rien n'est de trop quand tout n'est pas assez. C'est une parenthèse onirico-fascinante, plastiquement superbe, et qui donne une pêche étonnante! Rien n'y est sérieux, tout y est sérieux et y perce ostensiblement l'humanité dans ce qu'elle a de fragile, de mortel. Ode à l'éphémère existence et nécessité de concevoir avec du rire. Souvent, il n'y a juste qu'à regarder, une simple invitation au lâcher-prise, à accepter l'incongru et à y adhérer dans ce qu'il a de terriblement familier. Car, entre chien et loup, tous les hommes sont couleur taupe, qu'on se le dise. 

La nuit des taupes séduit par sa capacité virtuose à traverser 1h15 de notre temps sans mot - ou presque. Le corps, la musique et la scénographie se font narration suffisante. Sur le plateau, tout se construit et se déconstruit ; l'espace de jeu se réinvente sans cesse et se décline en mille perspectives plastiques épatantes. Stalagtites, stalagmites, geysers généreux, lumières boréales, estrades créent un cadre médusant à ce "Welcome to caveland". L'humaine bestialité et l'animale humanité s'y répondent sur les topoi universels d'Eros et Thanatos. 

Et si vous n'aimez pas, on peut plus rien faire pour vous, allez donc voir au royaume des taupes si on y est!

La nuit des taupes de Philippe Quesne
Avec Yvan Clédat, Jean-Charles Dumay, Léo Gobin, Erwan Ha Kyoon Larcher, Sébastien Jacobs, Thomas Suire, Gaëtan Vourc’h 
Costumes :Corine Petitpierre
Collaborations dramaturgiques : Lancelot Hamelin, Ismael Jude, Smaranda Olcese
Construction du décor : Ateliers Nanterre-Amandiers

Production : Nanterre-Amandiers - centre dramatique national
Avec le soutien de la Fondation d’entreprise Hermès dans le cadre de son programme « New Settings »
Coproductions Steirischer herbst (Autriche), Kunstenfestivaldesarts (Belgique), Théâtre Vidy-Lausanne (Suisse), La Filature – Scène nationale, Mulhouse, Künstlerhaus Mousonturm (Allemagne), Théâtre National de Bordeaux Aquitaine, Kaaitheater (Belgique), Centre d’art Le Parvis à Tarbes, NXTSTP
avec le soutien du Programme Culture de l’Union Européenne.
Avec la participation de Research Group “Behavioral Objects” - coordination Samuel Bianchini, Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Paris - Malaquais. AAP (Art, Architecture, Politique) Atelier Jordi Colomer

Dates et lieux des représentations: 

- Du 22 au 24 mai 2017 à Hth, CDN Montpellier ( 34)

- Du 6 au 10 mars 2018 au TNT ( Théâtre National de Toulouse)

- Les 5,6 et 7 avril 2018 au Maillon ( Strasbourg) 

A lire aussi: 

La mélancolie des dragons : une pièce aussi désopilante que poétique!


À propos

Les Categories

Les bonus de Monsieur Loyal