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Albin de la Simone, "L'un de nous" : une mise à nue épurée qui fait la part belle à la poésie du quotidien

L'un de nousPar Virginie Gossart - Lagrandeparade.fr/ Voici l'un des artistes les plus discrets de la nouvelle chanson française. Cela fait pourtant bientôt quinze ans que le dandy au regard enjoué et triste promène sa silhouette nonchalante dans notre paysage musical.

Depuis 2003, Albin de la Simone a en effet publié cinq albums ("Albin de la Simone" en 2003, "Je vais changer" en 2005, "Bungalow !" en 2008, "Un homme" en 2012 et "L'un de nous" en 2017), aux chansons à la fois pop et singulières, inspirées par le quotidien, les thèmes éternels de l'amour, de l'amitié, du temps qui passe. L'artiste aux costumes pastels et à l'humour désopilant a encore bien d'autres cordes à son arc-en-ciel : il est aussi musicien, producteur, auteur, compositeur ou arrangeur pour d'autres chanteurs : Vanessa Paradis, Alain Souchon, Alain Chamfort, Keren Ann, Arthur H, Mathieu Boogaerts, JP Nataf, Iggy Pop, Salif Keita...
Malgré cette impressionnante liste de collaborations, gage de la qualité de son travail, le chanteur semble avoir tâtonné un peu plus pour trouver sa voie et son style propres au sein de ses compositions personnelles. Il s'en explique d'ailleurs très bien lui-même :  

“Je crois que j’avais été monté à l’envers, comme un meuble Ikea qu’on agence dans le mauvais sens. Quand j’ai commencé à être musicien, j’étais copain avec M, qui jouait costumé, dans des salles immenses. J’ai voulu faire la même chose mais ça n’est pas fait pour moi. Il a donc fallu que je fasse le chemin dans l’autre sens, que j’enlève le costume.”

Et c'est en effet à une belle mise à nu que l'on assiste dans ce dernier album, "L'un de nous". La métamorphose avait déjà débuté sur son précédent opus, "Un homme". Elle semble désormais parfaitement achevée. Et l'artiste paraît enfin assumer complètement sa voix et son timbre à la fois fragile et touchant, qu'il avait tendance à couvrir, voire même à masquer sous des sons synthétiques dans les précédents albums. Les sonorités électroniques et acidulées sont ici délaissées au profit d'intruments plus organiques et chaleureux. Ce qui domine dans ces nouvelles compositions, c'est bien-sûr le duo piano-voix. Même si Albin de la Simone confesse dans le livret accompagnant l'album avoir toujours commencé par les textes et ne pas savoir comment faire autrement, on sent bien que le choix du "piano droit et très étouffé" (parce que recouvert de couvertures pour lui donner un son plus moelleux et feutré) a été prépondérant dans la création de ce nouveau disque. La voix du chanteur est enfin mise mise en avant, si bien qu'on a parfois l'impression qu'on nous chante la mélodie à l'oreille. Les chansons sont également habillées de cordes (violon, violoncelle, harpe, guitare, contrebasse), parfois d'objets musicaux plus insolites (scie musicale et casseroles !). L'ensemble est d'une grande  légèreté à l'écoute. Légèreté qui épouse parfaitement la labilité des thèmes évoqués, puisqu'il est essentiellement question de la complexité du rapport amoureux et du temps qui passe.
Mais attention, aucune recherche de pathos dans la démarche : la mélancolie et la tristesse sont certes présentes : aussi bien dans "Le Grand Amour" (histoire d'une rupture ou d'une passion manquée) que dans "Pourquoi on pleure" (qui raconte comment on s'évertue parfois à gâcher son présent à trop vouloir se projeter dans l'avenir). Mais la nostalgie qu'on sent poindre est bien souvent désamorcée par un sens du burlesque et de l'absurde assez réjouissant ; ainsi dans le titre "L'un de nous", étonnant délire verbal proche de l'écriture automatique des surréalistes, d'où émergent des images aussi savoureuses que  cette "chorale à trois cuisses qui chante l'amour de l'anus à coulisse". L'humour, les jeux sur les mots et les sonorités, constants dans cet album, même sur les titres les plus émouvants, créent une forme de poésie de l'ordinaire et maintiennent une distance salutaire entre le vécu brut  et sa transformation artistique.
Ce dernier album est enfin un très beau regard masculin porté sur la femme, ou plutôt sur les femmes, dans toute leur diversité et leur complexité. Albin de La Simone semble aimer raconter la femme, celle "qui tient la houle, la barre" celle qu'on veut " aimer la vie entière, au moins l'aimer bien. En tout cas mieux qu'hier, moins bien que demain" ("Une femme"). Dans le titre intitulé "A quoi", il donne la réplique à Sabina Sciubba, la chanteuse italo-allemande des Brazilian Girls, dont la voix grave, à l'unisson avec celle du chanteur, génère une troublante ambiguïté. Pas étonnant donc que les voix, musiques et influences féminines soient si nombreuses sur cet album : de Vanessa Paradis à la fidèle Emiliana Torrini, en passant par Mara Carlyle, Milamarina, Anne Gouverneur, Maëva Le Berre ou encore Sophie Calle, qui a réalisé la pochette du CD.
C'est visiblement dans ce dialogue constant avec l'autre que se sont construits les morceaux de cet album au titre si bien choisi.

L'un de nous - Label : Tôt ou tard - déjà dans les bacs

Concerts:

- Le 3 avril, le 3 mai et le 3 juin 2017 à l'Européen

- Le 22 avril 2017 au Printemps de Bourges

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