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Lettere Amorose 1999-2018 : le jardin mystérieux de Raimund Hoghe

  • Écrit par : Victor Waque

RaimundPar Victor Waqué - Lagrandeparade.fr/ « Lettere Amorose » laisse un spectre d'interprétation abyssale. Le rythme du spectacle et le manque de repères laissent parfois le spectateur démuni. Sur la scène du théâtre « humain trop humain », du blanc tapisse le sol. Au loin, un personnage vêtu de noir. Mutique. Il se déplace lentement dans une danse énigmatique. Minimaliste.

Raimund Hoghe dans ses vêtements flottants semble pratiquer le tai shi. Ses gestes sont lents. Répétitifs. Simples. Peut-être se trouve-t-il dans un jardin japonais ? Au lieu des galets alignés, du râteau qui trace des lignes circulaires dans les graviers, de la fontaine qui bruisse doucement, l'auteur jardine à sa façon. Il répète inlassablement les mêmes mouvements à l'architecture épurée, dans la tradition zen. Concentré sur sa tâche. Il aligne des feuilles noirs. Dépose au sol avec patience des toiles à la verticale. Il prend des baguettes et les place mystérieusement. Remodelant l'espace. Tel un jardin japonais, Raimund Hoghe cherche à rendre le lieu magique. Lorsqu'il chausse ses Geta (des tongs à talon japonaises) et se déplace, il trace des lignes invisibles, effacées avant même d’apparaître. Un jardin zen éphémère se construit devant nos yeux. Le maître prend son temps. Dans son monde. Une esthétique absconse.

Ses gestes inlassablement reproduits ne peuvent manquer d'évoquer le mythe de Sisyphe, métaphore de la vie humaine. Il est condamné par les Dieux à pousser une lourde pierre en haut d'une montagne. A chaque fois que Sisyphe la hisse au sommet, elle retombe, inexorablement. Sisyphe doit recommencer, pour l'éternité. Faire, défaire, refaire. Sans savoir vraiment pourquoi ni dans quel but. Et pourtant continuer. C'est ce qu'on ressent lorsqu'on voit Raimund Hoghe, aux jambes tremblantes, à l'allure fragile, s'engager dans ses tâches répétitives.

Le spectacle vise initialement à traiter la question de l'immigration. Le point de départ étant les lettres retrouvées chez des hommes décédés alors qu'ils voyageaient clandestinement dans un avion pour atteindre l'Europe. Raimund Hoghe s'arrête quelques fois pour lire ces lettres. Des textes pleins de beauté. Ils demandent aux lecteurs de l'aide. Des paroles qui invitent au respect d'autrui. Thème du spectacle difficile à percevoir en dehors des lettres. Quelques minutes sur l'heure du spectacle. Les tracés du jardin zen, s'ils sont censés compléter les mots laissent perplexes. Que voir ? Un avion qui vole lorsque Raimund Hoghe se déplace les bras tendus ? La mort à répétition lorsqu'il s'allonge sur le sol ? Au spectateur de deviner. La musique accompagne les gestes mais ne permet pas d'éclaircir les propos. Chanson française. Musique classique. La musique est douce. Mais qu'évoque-t-elle ? Elle permet pour le moins de demeurer dans le spectacle malgré la lenteur exagérée du scénario.

Lettere Amorose 1999-2018 est un spectacle dont la signification profonde demeure dans l'esprit de Raimund Hoghe. Au spectateur de faire un solide effort d'interprétation. Chacun imagine son propre lieu. Un champ en friche. Un jardin asiatique. Une verdure de André Le Nôtre.

LETTERE AMOROSE 1999-2017

Conception, chorégraphie, danse et scénographie : Raimund Hoghe

Collaboration artistique : Luca Giacomo Schulte • Lumière : Raimund Hoghe, Amaury Seval • Musiques et textes interprétées par : Elly Ameling, Cathy Berberian, Jacques Brel, Melina Mercouri, Chavela Vargas, Sophia Loren, Victoria de Los Angeles, Peggy Lee, Marion Ballester et Jean-Louis Trintignant

Dates et lieux des représentations: 

- Le 13 février 2018 à Hth - CDN Montpellier et co-accueilli avec la saison de Montpellier Danse


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