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Parenthèse : un portrait troublant de quadragénaires en pleine crise existentielle

  • Écrit par : Thomas Dufraine

ParenthèsePar Thomas Dufraine - Lagrandeparade.fr/ Après avoir réalisé un court métrage portant le même titre en 2013, Bernard Tanguy choisit de développer son propos dans un long métrage. Au final, on obtient un film réussi avec des acteurs et actrices peu connus du grand public qui donnent des performances très justes et un scénario qui se tient du début à la fin. Les images, quoi qu'un peu moins léchées que ce à quoi on pourrait s'attendre, sont somme toute très esthétiques. La bande originale est bien sentie et joliment orchestrée, mélangeant les univers et les générations, portée par Stupeflip et une petite surprise de l'un des protagonistes dans la dernière partie.

Le film nous conte l'aventure de trois amis de longue date, Raphaël, Alain et Patrick, qui s'approchent de la cinquantaine, chacun avec une vie différente. Faisant cohabiter leurs caractères éloignés, ils s'évadent quelques jours sur un voilier pour revivre les vacances de leur jeunesse. On les accompagne donc dans ce voyage à la fois sur la méditerranée et au milieu de leurs doutes, des écueils de leur vie, de leurs regrets et des rives qui leur restent. La rencontre de trois jeunes femmes, Alice, Vanesse et Olga, leur donne un nouvel élan de joie et de vie, mais attise aussi la remise en question de chacun. Cette crise existentielle amène forcément en nous des réactions, qu'elles soient de rejet ou au contraire de compréhension. Ainsi à coup sûr, nous aussi, nous nous questionnons.
Bien que cela fasse partie de l'intérêt du film, ce qui frappe demande d'aller un peu plus loin. Pendant tout le long métrage, on est à la fois amusé et désarçonné par des réactions et interactions criantes de vérité, révélatrices de travers sociaux solidement ancrés aujourd'hui. Ceci est permis par le caractère authentique du jeu et de l'écriture. On ressent l'équipe et donc le film comme proche du spectateur, plus éloigné des sphères de l'élite artistique et culturelle qui naviguent généralement au sein des productions et délivrent un point de vue biaisé sur l'ordinaire. Ainsi, il est possible d'observer la banalité du sexisme, de l'âgisme, des travers de la fierté et de l'orgueil chez tout un chacun. C'est justement cette banalité qui, au quotidien, les rendent si insoutenables, une fois qu'on a mis le doigt dessus.
En effet, le long-métrage retranscrit à la perfection le choc générationnel et les a priori de chacun. Il montre à quel point on pense une jeune femme incapable. Pour autant, alors que ses aînés masculins peuvent se retrouver démunis face à une situation où ils s'attendent à exceller, elle brille. On prend la mesure du sexisme ordinaire dans la division des tâches (au supermarché par exemple), dans le soin intéressé des hommes vis à vis des femmes. On observe aussi très clairement les rapports de force que l'âge et le genre mettent en place : quand l'homme plus âgé parle, les femmes plus jeunes écoutent religieusement. Impossible de repérer une situation dans laquelle les jeunes femmes ne sont pas douces et à l'écoute devant ces hommes mûrs et leur maladroite parade amoureuse. La seule figure féminine qui se démarque par son caractère espiègle et railleur, est d'ailleurs homosexuelle. En conséquence, dans l'inconscient collectif, elle est un archétype de la lesbienne, et donc l'expression de la masculinité dans un corps féminin. C'est ce qui permet à son personnage d'adopter cette position dominante bien qu'elle soit une femme.
Ces stéréotypes de genre et d'orientation sexuelle sont une chose, mais ce qui apparait le plus choquant, c'est le personnage du petit ami d'Alice. Au départ leader charismatique et engagé, c'est dans les scènes finales qu'il prend un visage tout autre. Du sympathique bien qu'un peu directif militant écologiste, il passe au jeune mâle alpha, tenant Alice dans son joug, se permettant une position de patriarche face à elle, lui donnant des ordres et ne ménageant d'aucune façon ses envies et avis. Sans attendre la moindre explication, il utilise la violence quand celle qu'il voit comme sa propriété lui a été, dans son esprit, volée. Ce qui rajoute encore au perturbant de ces scènes, c'est la passivité des autres personnages qui ne tentent pas d'influencer le jeune homme et le laissent agir ainsi sans broncher. Cela rend ainsi sa posture oppressante, sexiste, écoeurante de conservatisme, tout à fait normale et tolérable.

Parenthèse est un film qui laisse la part belle à la spontanéité et aux relations interpersonnelles grâce à une réalisation flexible qui suit le jeu des acteurs et actrices plutôt que de le modeler. Les rapports de force entretenus entre les âges et les genres y sont fort dessinés.

Parenthèse
Date de sortie 20 juillet 2016 (1h 35min)
De Bernard Tanguy
Avec Vincent Winterhalter, Gilles Gaston-Dreyfus, Eric Viellard, Dinara Droukarova, Anne Serra, Sophie Verbeeck, Nathalie Besançon

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