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Je viens : un réquisitoire pessimiste et rabat-joie

Je viensPar Catherine Verne - Lagrandeparade.fr/ Réquisitoire où tout le monde en prend pour son grade, que ce soit les vieux qui sont des poids morts et laids, tous les pères, car ils "tuent leurs enfants", les "cathos" ou les fonctionnaires qui ne sont que des "tâcherons de l'administration", jusqu'aux sympathisants tibétains qui se rasent le crâne en vain, l'éveil étant assimilé ici à un gros canular qui couvre de ridicule ses crédules adeptes.

Bref, de quoi se jeter par la fenêtre avant  la huitième page tellement le bilan est noir et tout espoir de salut une vue de l'esprit. Si on accueillait jusque là les douleurs de sa propre existence vaillamment avec stoïcisme, alors cette lecture résolument rabat-joie plus que comique ruinera des mois de lâcher-prise, autant être averti.
Trois narratrices successives tiennent des monologues aigris à propos de diverses épreuves de la vie telles l'adoption sans amour, le rejet raciste ou le vieillissement ingrat. S'avance d'abord sur scène Charonne, une petite fille noire et obèse dont les parents adoptifs ne veulent plus et qui nous raconte dans le détail les épisodes dramatiques de sa jeune existence. Après ce chapitre peut-être autobiographique, vient la complainte narcissique et aussi peu drôle d'une vieille belle, nostalgique de son époque fatale, puis celle d'une troisième femme, membre de la même famille déprimée, et a priori pas plus malheureuse que les deux premières mais qui a, elle, décidé de se suicider et nous fait profiter de sa dégringolade vers cet ersatz de salut. Bref, les portraits se suivent et se ressemblent pour dépeindre sans doute surtout celui d'une conscience moderne misanthrope et désabusée. L'idée n'était pas inintéressante, mais, sans cynisme, sans humour- l'intention ironique, s'il en est, peinant partout à sauter aux yeux-, sans style remarquable enfin, le déballage intime de la misère qu'il peut y avoir à naître puis vieillir ennuie ou fatigue, parfois même les deux. S'il est facile de relever le négatif de l'existence, loin s'en faut de tenir là matière à oeuvre d'art digne de ce nom. En un mot, Charonne n'est pas Cosette. Autant il est donné à tout le monde de détester l'humanité, autant seuls les excellents écrivains ont jamais eu la misanthropie inspirée et efficace. Même chez Schopenhauer, qui n'était "que" philosophe, la démonstration a plus d'allure, le pessimisme n'excluant pas l'élégance. Que ce soit donc pour le fond ou la forme, on peut passer son chemin.

Je viens
Auteur: Emmanuelle Bayamack-Tam
Editeur: Folio
Parution: 9 juin 2016
Prix: 7,70 euros.

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