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« Les Inéquitables » de Philippe Djian : vive le style !

DjianPar Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Depuis une trentaine d’années, il revient régulièrement. Chacun de ses nouveaux livres est un événement- certainement pas comme peuvent être les productions d’un auteur sous sérotonine ou une romancière qui fréquente les désaxés et le marché des amants. En bon artisan de la chose écrite, Philippe Djian, 70 ans ce 3 juin 2019, travaille, lui, au plus près les mots et les phrases- et en apporte encore une preuve avec « Les Inéquitables », son nouveau roman. Récemment, il confiait : « Ce n’est pas anodin d’être écrivain, surtout aujourd’hui. La parole disparaît, et quand la parole disparaît, c’est le poing qui se ferme. Nous, les écrivains, on doit donc proposer une langue. Belle, utile ». Bien sûr, un texte de Djian, c’est une histoire. Toujours bien ficelée, même si l’auteur explique avancer souvent à l’aveugle dans cette histoire parce que, à ses yeux, ce n’est pas le plus important. Romancier à succès (« Zone érogène », « 37°2 le matin », « Maudit manège », « Ça, c’est un baiser », « ‘’Oh…’’ »,…), il a été biberonné à la littérature américaine. Raymond Carver, Charles Bukovski entre autres… 

Mais surtout, plus que tout, il porte une attention sans bornes au style. « Ce qui m’intéresse c’est la langue, dit-il. La laisse-t-on telle qu’elle est, essaie-t-on de l’arranger, d’avancer un peu ? Tous les écrivains qui m’ont subjugué sont des gens qui m’ont attrapé par le stylo, par la langue. Voir comment ils arrivaient à faire passer des sensations que, a priori, on connaît déjà. Car depuis Shakespeare, on n’a pas fonctionné avec d’autres éléments que la trahison, l’amour, l’amitié, l’argent, la filiation. On connaît tout ça. Et la seule chose qu’on peut faire, pour continuer à écrire des histoires, c’est faire un pas de côté, regarder les mêmes choses que tout le monde mais sous un angle différent. Et je pense qu’on peut changer d’angle avec la langue. La langue fait tout, elle permet de mettre des personnages ordinaires dans des situations extraordinaires et de se débrouiller pour que la situation les fasse se révéler ».
Attention ! Philippe Djian n’est pas plus un technicien de l’écriture qu’il n’est un raconteur d’histoires. Philippe Djian est un styliste- footballeur, il serait Hatem Ben Arfa, voire Diego Maradona ; rugbyman, il aurait compagnonné avec le Gallos JPR Williams et les Français Jo Maso et François Sangalli… Un styliste « à la cool », qui ne se regarde pas écrire ni ne se complait en circonvolutions nombrilistes. Un écrivain de style, du style qui apprécie emmener ses lecteurs dans un monde où les dingues et les paumés ne sont pas rares. Ainsi, avec « Les Inéquitables », on est embarqué quelque part, pas loin de l’océan- qui joue là le rôle de l’apaisement. On a des personnages cassés physiquement ou psychologiquement- pour certains, c’est même les deux…
On rencontre Diana, la cinquantaine, son mari Patrick est mort l’année précédente dans une fusillade à la sortie d’une boîte de nuit (on n’en saura pas plus), elle s’en remet doucement. Il y a aussi Marc, le frère de Patrick, il vit chez Diana, il veille sur sa santé et sa sécurité, il découvre par hasard trois paquets de drogue sur une plage, l’événement va bousculer le retour au quotidien. Surtout que, désireux de refourguer la marchandise, Marc contacte le frère aîné de Diana avec lequel elle a des relations exécrables. Et c’est le début des ennuis… Philippe Djian : « L’idée était de mettre une situation en place et se débrouiller pour que les personnages se découvrent par rapport à la situation qu’ils doivent affronter. Ils sont entraînés par quelque chose. J’espère toujours que l’histoire va m’aider même si ce n’est pas ce que je cherche. Ce qui m’intéresse est plutôt l’ambiance, le ton, le rapport aux gens, les idées un peu folles »…
D’une écriture toujours formidablement intransigeante et furieusement vive, « Les Inéquitables » magnifie le dérèglement des sentiments. Et avec Philippe Djian, c’est toujours aussi haletant que surprenant !

Les Inéquitables
Auteur : Philippe Djian
Editions : Gallimard
Parution : 18 avril 2019
Prix : 17 €

[bt_quote style="default" width="0"]Il ne pleuvait plus mais le vent ne faiblissait pas. Il devait se tenir presque courbé en deux, ses cheveux lui giflant le visage. Son frère lui manquait tellement, parfois. Ça le frappait sans prévenir, comme un poing qui écrasait son cœur puis le relâchait doucement. Et pourtant, dans quel merdier ce salaud l’avait laissé, quel fardeau, c’était rien de le dire. Diana n’était qu’un souci parmi d’autres, et pas le plus menaçant.[/bt_quote]

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