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Philippe Besson : « Je ne fais pas dans l’étalage »

BessonPar Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / C’est l’histoire d’un amour. Un amour qui se révélera impossible. Un jeune homme de 22 ans, étudiant en droit, et un homme de trois ans son aîné, marié. Après « "Arrête avec tes mensonges"» et les amours adolescentes, Philippe Besson signe « Un certain Paul Darrigrand »- un « roman » qui lui a été inspiré par une photo retrouvée par hasard dans une boîte à chaussures. Pour la deuxième fois consécutive, l’auteur de dix-neuf romans plonge dans l’autofiction. Non pas comme d’autres, il ne met pas en scène sa vie pour la raconter ensuite. A l’image d’un Serge Doubrovsky ou d’une Annie Ernaux, il rapporte au plus près des épisodes de sa vie. Mieux : Philippe Besson sait comme personne contextualiser ses moments de vie, les replacer dans l’époque. Ainsi, dans « Un certain Paul Darrigrand », le bonheur de l’insouciance amoureuse va se bousculer avec le malheur de la maladie qui a ravagé tant et tant de personnes dans les années 1980-90. De toutes les pages d’« Un certain Paul Darrigrand », transpirent la sincérité et la pudeur. Ce qui donne un livre poignant, émouvant, délicatement empreint de mélancolie.

Avec « Un certain Paul Darrigrand » et après « ‘’Arrête avec tes mensonges’’ », vous voici donc plongé dans l’autofiction !
Après l’écriture d’« ‘’Arrête avec tes mensonges’’ », j’ai compris que le récit de soi romancé me va. Oui, que l’autofiction me convient… J’ai passé quinze ans de ma vie à dire : « J’écris des romans ». J’ai senti que le moment était venu pour passer à autre chose. C’est peut-être une histoire d’âge… La fiction vous donne le beau rôle, elle permet de devenir quelqu’un alors que l’autofiction impose l’exigence de la lucidité, de la vérité…

D’ailleurs, en ouverture d’« Un certain Paul Darrigrand », vous citez Annie Ernaux, l’une des maîtres de l’autofiction…
Tout simplement, aujourd’hui, mon ambition est d’écrire un livre au plus près de l’intime. Un livre qui peut prétendre aussi à l’universalité.

Est-ce à dire que, maintenant, vous allez vous consacrer à l’autofiction, et non plus à la fiction ?
Je me suis beaucoup interrogé, en effet. Ai-je toujours envie d’écrire de la fiction ? ou aller vers l’écriture de soi ? Et puis, au hasard d’un déménagement, je prends une boîte à chaussures et je tombe sur une photo. Une photo sur laquelle, à mes côtés, il y avait Paul Darrigrand. J’ai toujours en tête les mots d’Annie Ernaux : « Sauver quelque chose du temps où on ne sera plus jamais ».

Certes, mais souvent le souvenir est flou…
Là, pour cet épisode de ma vie, la mémoire est intacte. Cette année est toujours présente, tout m’est revenu avec une précision confondante. Après  ‘’ "Arrête avec tes mensonges"’’ où je racontais un épisode de mon adolescence, là avec "Un certain Paul Darrigrand", je suis allé à la rencontre d’un moment de ma jeunesse, à la confluence du bonheur et du malheur mélangés. C’est le livre des sentiments mêlés..

Comme dans les livres d’Annie Ernaux, c’est une photo qui déclenche donc l’écriture d’« Un certain Paul Darrigrand »…
Immédiatement, m’est revenue cette année inoubliable. Pendant un moment, j’avais même comme titre de travail : « La plus belle année de ma vie ». Ce fut une année incroyablement intense. J’ai été heureux parce que j’ai été amoureux. Ce fut une année foisonnante. L‘année de la rencontre avec moi-même.

A la lecture, on ne sait si Paul Darrigrand, l’homme que vous allez aimer follement, est un manipulateur..
D’abord, il a un charme fou… et je ne l’ai jamais pensé manipulateur. Il est malicieux, conscient de son pouvoir de séduction. C’est une sorte d’équilibriste qui aime la clandestinité et a envie de voir où va le porter son désir. C’est un joueur qui se fait prendre à son propre jeu. Et moi, j’étais dans la bêtise amoureuse. Oui, l’amour, ça m’avait rendu bête ! Et avec « Un certain Paul Darrigrand », j’ai écris le récit d’une soumission amoureuse…

Dans ce livre, le jeune homme que vous étiez alors apparait, lui, pas très brillant !
Le flamboyant, c’était lui, Paul… Moi, j’étais la maîtresse d’un homme marié- et je l’ai su très vite. Il y a eu la clandestinité, le silence, l’obligation de ne pas apparaître… C’est étrange de choisir des gens qui vous condamnent au silence. J’étais tombé amoureux et j’ai accepté la situation…

Et puis, la maladie surgit…
… dans ces années-là, les dernières années 1980, les premières 1990, j’ai perdu beaucoup d’amis. Et c’est dans ces années que je me suis éveillé à la sexualité, j’avais 17 ans en 1984. Alors que je suis avec Paul, on me découvre une maladie étrange, une maladie du sang- la thrombopénie qui fait grandement baisser le nombre de plaquettes sanguines. Je suis atteint d’un mal insaisissable, je ne suis pas préparé à vivre avec ça. Il y a la possibilité de la mort. Pourtant, j’étais beaucoup plus préoccupé alors par la séparation d’avec Paul que par la maladie. Au fond, je suis romantique !

Page 180 d’« Un certain Paul Darrigrand », vous écrivez : « Je suis décidément fortiche pour tromper mon monde ». Alors, faut-il croire tout ce que vous écrivez dans ce « roman » ?
Ce n’est pas un témoignage. J’ai cherché modestement à écrire un texte où le « je » de l’auteur peut devenir le « je » du lecteur. J’ai cherché aussi la vraisemblance plus que la vérité. J’ai voulu une forme de délicatesse, de pudeur, je ne fais pas dans l’étalage. J’essaie simplement d’être le plus sincère possible. Oui, je passe un contrat de sincérité avec le lecteur…

Un certain Paul Darrigrand
Auteur : Philippe Besson
Editions : Julliard
Parution : 24 janvier 2019
Prix : 19 €

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