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Les cigognes sont immortelles : Alain Mabanckou, retour au pays…

  • Écrit par : Serge Bressan

Seuil Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Une fois encore, c’est une invitation au voyage. Direction Pointe-Noire, sur le littoral congolais. Ce pays qu’on appelait Congo-Brazzaville, qu’on connait aujourd’hui sous le nom de République du Congo. Le maître des lieux, le guide, c’est Alain Mabanckou- et il illumine, une fois encore, cette rentrée littéraire estivale avec son douzième roman, « Les cigognes sont immortelles ». « Mabanckou de maître », a titré un hebdo parisien, et il en va ainsi depuis « Bleu-blanc-rouge » paru en 1998, ou encore l’exquis « Petit-Piment » (2015). 

Début, le samedi 19 mars 1977. Il y a Maman Pauline, elle « dit souvent que lorsqu’on sort il faut penser à mettre des habits propres car les gens critiquent en premier ce que nous portons ». Il y a Papa Roger, il « est assis sous le manguier, au bout de la parcelle, très occupé à écouter notre radio nationale, La Voix de la Révolution Congolaise ». Depuis la veille, elle ne diffuse que de la musique soviétique… Et puis, il y a aussi Michel, le narrateur, le gamin qui a « l’habitude d’admirer les voitures des capitalistes noirs du côté de l’avenue de l’Indépendance »… Ah ! Michel- il est fils unique, amoureux peut-être, nourri à l’idéologie marxiste certainement. A son panthéon de gamin, figurent Ceausescu le « conducător » roumain, Castro le « lider maximo » cubain et aussi Patrice Lumumba, figure de l’indépendance congolaise, sans oublier le boxeur Muhammad Ali qu’il a découvert à la télé chez son oncle de « Brazza »- un oncle formé à l’école militaire de Saint-Cyr en France où il a côtoyé le futur Président Marien Ngouabi.
Avec « Les cigognes sont immortelles », Alain Mabanckou raconte trois journées qui ont bousculé la vie congolaise. Trois longs et beaux chapitres, du samedi 19 mars au lundi 21 mars 1977. Le président Marien Ngouabi a été assassiné. Un comité militaire dirigé par le colonel Denis Sassou Nguesso veut accaparer le pouvoir. Le couvre-feu est décrété dans un pays où le nord et le sud s’entredéchirent… Ce même samedi 19 mars 1977, l’oncle du gamin- le capitaine Luc Kimbouala-Nkaya, a été abattu à bout portant par les rebelles nordistes, soupçonné d’être proche d’un pouvoir issu du sud. Et dès lors, la famille de Michel vit dans la peur d’être, elle aussi, arrêtée par la police. N’empêche ! dans l’immédiat, le gamin veut retrouver son chien qui a pris le large- l’animal a-t-il pressenti ce qui allait arriver, le coup d’Etat, la violence politique ? Comme dans nombre de ses livres précédents, Alain Mabanckou s’est glissé dans le corps et l’esprit d’un tout jeune garçon pour raconter, sur un ton (faussement ?) candide et avec une accumulation de détails éblouissants, une société pour qui les droits de l’Homme sont une notion très vague…
Livre de la dérive d’un pays, « Les Cigognes sont immortelles » ne tombe jamais dans le discours pompeux- ce qui le rend irrémédiablement percutant. Et Alain Mabanckou, de confier : « A travers ce roman, je reviens à ce qui est essentiel à moi. Je ressens de plus en plus le besoin de dire ce qu’est mon continent et de montrer pourquoi il est aujourd’hui à la dérive ».

Les cigognes sont immortelles
Auteur : Alain Mabanckou
Editions : Seuil
Parution : 16 août 2018
Prix : 19,50 €


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