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Ma grande : Claire Castillon et la violence conjugale

castillonPar Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Attention ! choc littéraire… Une fois encore, avec son nouveau roman- « Ma grande », Claire Castillon frappe fort avec l’histoire. Un homme « battu » noie sa femme… D’une phrase cinglante, il avoue : « La vérité, c’est : je t’ai tuée et c’est tout. J’ai sans doute pas raison. Je regrette rien, et c’est mal ». Oui, il a tué. Noyade dans la baignoire. Il n’en pouvait plus de cette violence au quotidien, non pas une violence physique mais une violence psychologique. Harcèlement dans le couple. La femme qui impose ses règles, sa loi entre les quatre murs du domicile conjugal- et même à l’extérieur. Une fois encore, Claire Castillon frappe fort avec son nouveau roman, « Ma grande ». Cette romancière française, on la connait, on la fréquente depuis une petite vingtaine d’années, depuis son premier roman- « Le Grenier ». Elle s’est fait une spécialité, une marque de fabrique : pointer les familles brisées, les violences ordinaires… « Il te fallait un tatoué ma grande qui t’aurait claqué la gueule rien que pour un regard en biais. Il t’aurait matée comme jamais. Sans ceinture. Avec la pupille », constate le narrateur de « Ma grande »...

« Ma grande », comme il la nommait durant ces moments doux, ces nuits d’amour… Ils se sont rencontrés à la piscine, elle l’a invité chez elle, ils se sont mariés à Las Vegas sans dire un mot aux familles, ils se sont aimés (pas très longtemps), ils ont eu un enfant- une fille… « L'amour se nourrit d'intérêt réciproque, de curiosité, de discussion et de chair », explique Claire Castillon- dans « Ma grande », le mariage a duré quinze ans, elle ne voulait pas recevoir les amis chez elle- et quand ça arrivait (tellement rarement), elle savait se montrer mesquine, jalouse, méchante… Lui, il écrit- sans succès ; elle le rabaisse sans cesse. On lit ses mots à lui : « Écrire, je le fais juste quand je le fais, parce que je m’entends parler, vraiment, et que personne m’interrompt pour me dire que je suis con. Avec toi, je pouvais plus. Tu m’avais coupé la plume aussi ? Je voulais partir dans mon voyage mais t’étais tout le temps au péage à me dire Contrôle, stop, tes papiers. Tu me fouillais. Je me retrouvais à poil. Je pouvais plus aligner deux mots quand tu te mettais à gueuler trop. Je perdais les verbes comme faire, penser. Être, je l’ai perdu pendant des années. Un jour, j’ai écrit un poème en noms communs. J’avais plus rien. Le seul verbe qui venait c’était : Meurt ».
Claire Castillon, 42 ans et nombre de romans et nouvelles tous plus cinglants les uns que les autres, cogne. Toujours. Quand elle raconte les violences conjugales vues et vécues par un homme- comme ici dans « Ma grande », ça bouscule. D’une écriture vive et saccadée, elle raconte les jours et les nuits d’un homme qui, pendant quinze ans, a subi. On en peut pas parler vraiment d’un homme battu- pas de bleus sur le corps, rien à voir… Mais les coups, cet homme en a reçu beaucoup. La question surgit, comme pour nombre de femmes battues : pourquoi est-il resté ? La romancière cite le philosophe Thomas Hobbes (1588- 1679) : « La peur a été la grande passion de ma vie », et assure que la grande passion de cet homme dans « Ma grande », « c'est en effet la peur. Paradoxalement, il s'en délivrera par un acte criminel qui devrait le replonger dans la peur mais qui l'en libèrera. C'est ce quotidien conjugal qui constitue sa plus grande terreur sans qu'elle ne soit jamais explicitée ou qu'il risque vraiment sa peau. Il aura finalement sa peau. A elle ». « Ma grande », le grand roman d’un huis clos, de la présence après la disparition…

Ma grande
Auteur : Claire Castillon
Editions : Gallimard
Parution : 5 avril 2018
Prix : 15 €

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