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F. Scott Fitzgerald : l’écrivain perdu de sa génération

Editions de l'OlivierPar Guillaume Chérel - Lagrandeparade.fr/ Parce que la vie de Francis Scott Fitzgerald fut romanesque, Stewart O’Nan en a fait un roman. Et quel roman ! Imaginez une histoire qui se passerait à Hollywood, dans les années 30, avec comme personnages principaux Scott Fitzgerald, donc, et sa femme Zelda (elle l’appelle « mon bécasseau »). Comme seconds rôles : Hemingway (qui, revenu de Cuba, l’appelle « mi hermano »), mais aussi Gary Cooper, Marlene Dietrich, Rudolph Valentino, Joan Crawford, Olivia de Haviland, David Niven, Bogart, Selznick… Excusez du peu. Stewart O’Nan, l’un des romanciers américains les plus innovants du moment, a osé réunir ce casting et ça fonctionne à merveille. Les fans de l’âge d’or d’Hollywood vont adorer. Les passionnés de littérature verront apparaître également Aldous Huxley et Dorothy Parker.

 

Nous sommes en 1937 plus précisément. Rien ne va plus pour l’ex-icône de la «  Génération perdue ». L’auteur de « Gatsby le Magnifique » est ruiné. A 40 ans, il n’a quasiment plus rien, même plus de domicile fixe. Il boit trop et sa tuberculose s’est aggravée. Il écrit, malgré tout, chaque matin, mais l’inspiration le boude. Il sait bien que « Toute vie est un processus de démolition », puisque c’est lui qui l’a écrit, un an auparavant, dans « La fêlure ». Il survit en réécrivant des scénarios (pour la Metro Goldwyn Mayer) de films plus ou moins bas de gamme. Zelda, son grand amour, est internée dans un asile. Fitzgerald n’est plus qu’une gloire déchue de la littérature qui sombre dans l’alcool. Tous les éléments nécessaires à un bon livre sont réunis.
Stewart O’Nan a placé en épigraphe deux citations de Fitzgerald : « Il n’y a pas de deuxième acte dans les vies américaines ». Et aussi : « Rien n’était impossible : tout ne faisait que commencer ». O'Nan a l’art de recréer l'atmosphère et les détails de l'époque des grandes heures du jazz. Il restitue à merveille les tourments, la complexité et les contradictions de Fitzgerald. Toujours comparé à Ernest (Hem’) qui ne cessait de le regarder de haut, tout en respectant son travail. Un Fitzgerald qui s’efforce de se prouver à lui-même qu’il est toujours capable d’écrire. Qu’il n’est peut-être pas le raté qu’il s’accuse d’être devenu. Il veut se prouver qu’il est toujours capable de gagner de l’argent, notamment. Car il y a Zelda (Hemingway avait averti son ami de se méfier d’elle), son grand amour, internée dans un asile dont il faut payer les factures… Déformée par les médicaments, la sublime Zelda en est réduite à s’habiller avec des vêtements usagés, récupérés à la blanchisserie de la clinique. C’est la déchéance totale. Il tente de préserver sa vie de famille, mais tombe amoureux de Sheilah Graham, une journaliste mondaine. Cette année-là - la dernière - est celle de la lutte acharnée que mènera Scott Fitzgerald contre ses trois ennemis : l'alcool, la dépression et le peu d'estime qu'il a pour lui-même.
Hollywood sera pour lui un lieu de souffrance et d'expiation. Un calvaire, en tout cas, lorsqu’il doit adapter « Autant en emporte le vent », en reprenant les mauvais dialogues de Margaret Mitchell : « C’était pour lui comme essayer de finir un immense puzzle avec de mauvaises pièces », écrit Stewart O’Nan. Un Hollywood qui se permet de le mettre à pied. Un Hollywood qui va l’achever avant qu’il n’ait le temps de terminer son ultime roman : « Le dernier Nabab ». Un chemin de croix qui dura quatre années, avant que sonne le glas : une crise cardiaque le terrasse le 21 décembre 1940, à 44 ans.

Stewart O'Nan, né en 1967 à Pittsburgh, vit à Avon (Connecticut). Il publie son premier roman en 1987 et, depuis, a construit une oeuvre forte et variée, qui explore divers aspects de la société et de l'histoire américaines. Son roman « Des anges dans la neige » a été adapté au cinéma en 2007 par David Gordon Green sous le titre « Snow Angels ». Fort opportunément, les éditions Points poche réédite « Le Pays des ténèbres » du même O’Nan : La nuit d’Halloween, dans une petite bourgade du Connecticut. Cinq adolescents foncent en voiture sur des routes sombres, perdent le contrôle du véhicule qui se fracasse contre un arbre. Un an plus tard, Tim et Kyle, les deux seuls survivants, ne sont plus les mêmes. Kyle n’a jamais récupéré ses facultés motrices et mentales, et Tim ne parvient pas à faire le deuil de ses amis. Chez Stewart O’Nan, le pays des ténèbres n’est pas celui des morts, mais celui des rescapés rongés par la culpabilité. C’est l’Amérique des fast-foods et des supermarchés, celle qui joue à se faire peur en échange de bonbons, celle qui masque ses fêlures. Hommage aux grands maîtres du fantastique et de l’épouvante (de Ray Bradbury à Stephen King en passant par la trilogie culte des « Morts vivants » de George Romero), « Le Pays des ténèbres » mêle pop culture, surnaturel et intimisme. Tour à tour facétieux et sensible, Stewart O’Nan confirme qu’il est l’un des meilleurs chroniqueurs de l’Amérique d’aujourd’hui… et d’hier.

Derniers feux sur Sunset , de Stewart O’Nan, Traduit de l'anglais (États-Unis) par Marc Amfreville, 396 p, 23 euros, Editions de l’Olivier.
Le pays des ténèbres ,éditions Points poche, 312 p, 7, 50 €

 

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