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Les Fleuves foudroyés : Au cœur des ténèbres…

  • Écrit par : Julie Cadilhac

Fleuves foudroyesPar Guillaume Chérel - Lagrandeparade.fr/ Vous n’entendrez sans doute pas parler des « Fleuves foudroyés », court roman d’un certain Douglas C. Bravo, paru chez un petit éditeur indépendant (Helvétius), dans les médias traditionnels. C’est pourtant une pépite d’une richesse littéraire rare.

Si vous aimez Conrad et Flaubert et les mots rares qui craquent sous la dent et le vocabulaire riche et les images fortes et les odeurs dans les livres, comme les couleurs et les saveurs, ce texte est pour vous : « L’horizon s’était mis à bouillir. Il avait gonflé, s’était gondolé, avait explosé. Une éruption blanche avait bousculé la rectitude de la plaine. Le sol caillouteux s’était fissuré en un maillage ténu ; il expectorait une poussière translucide, dans un vacarme de rocs amoncelés, frottés, abrasés, puis roulés en cascade. ».
Ainsi débute le roman d’un certain Douglas C. Bravo, présenté par Christian Kazandjian, journaliste amoureux des belles lettres. Bon, évidemment, si vous êtes déprimé(e), ou d’une sensibilité exacerbée, mieux vaut attendre la fin des vacances pour le lire. Car il évoque une catastrophe naturelle, décrite par le menu, et il faut avoir le cœur bien accroché. C’est l’apocalypse : "Le froid évitera que les chairs se décomposent et empestent. Il suffit d’un malheur à la fois. Qu’allons-nous devenir ? Comment peuvent-ils, là-haut, permettre ça ? Pourquoi devons-nous souffrir ou disparaître comme ont souffert et disparu ceux qui nous ont précédé ? (…)." De cette catastrophe humaine (on peut aussi penser aux génocides juifs et arméniens ou aux attentats récents), un nouveau monde peut-il éclore ? Ceux qui ont fui leur pays dévasté par ce choc venu du ciel, qui ont traversé l’océan, sont de nouveau happés par la disparition, le meurtre peut-être, la mort sûrement. Le tranchant des verbes, le cisèlement des mots, emporteront le lecteur et la lectrice. Mais que vient faire, in fine, un policier sur cette terre dévastée où les vivants n’osent même plus parler aux morts ? Le dialogue entre l’homme enquêteur et une vieille femme prend une forme singulière. Il n’y a pas que les fleuves qui sont foudroyés, les cœurs le sont aussi…
Ce Douglas C. Bravo, précisons-le, n’est pas l’ancien guérillero vénézuélien des années soixante et soixante-dix. C’est un homonyme, poète, journaliste, écrivain que Christian Kazandjian dit avoir rencontré dans une taverne de Buenos Aires. Nous parions, nous, que Christian Kazandjian, ancien chef de la rubrique culture de l’hebdomadaire Révolution, qui a également été reporter à L’Humanité, aujourd’hui journaliste à Convergences, le journal du Secours populaire, est le véritable auteur de ce roman noir. Il nous refait le coup d’Emile Ajar, derrière qui se cachait Romain Gary. Mais qu’importe, il n’y a que le texte qui compte et celui-ci compte en son sein des mots à 100 dollars, comme dirait Hemingway, qui, à eux seuls, valent le déplacement des yeux.

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Les Fleuves foudroyés de Douglas C. Bravo, présenté par Christian Kazandjian, 122 p, 13 euros, éditions Helvétius, collection « Ecrits ».
      
  


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