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Sayed Kashua : le déchirement identitaire

  • Écrit par : Guillaume Chérel

Les Arabes dansent aussiPar Guillaume Chérel - Lagrandeparade.fr/ « Je fais plus israélien que le commun des Israéliens et rien ne me fait plus plaisir que de l’entendre de la bouche d’un Juif », dit le narrateur des « Arabes dansent aussi ». "On me dit souvent : « Vous n’avez vraiment pas l’air arabe. » Certains prétendent que c’est du racisme, mais pour moi, c’est un compliment. Comme une victoire. Être juif : n’est-ce pas ce que je voulais ? Après beaucoup d’efforts, le résultat est là." D’abord publié chez Belfond, en 2002, puis en poche chez 10/18, ce récit poignant, de Sayed Kashua, est réédité par les Editions de l’Olivier, qui publie dorénavant son Å“uvre en France (« Il y eut un matin », 2006, et « La Deuxième personne », 2010). Ou le récit satirique, et en partie autobiographique, d’un jeune journaliste arabe israélien déchiré entre deux cultures, en Israël, de 1948 aux années 90.

C'est l'histoire d'un gamin arabe israélien de Tira, un village arabe de Galilée. Tandis que sa grand-mère l'élève dans le respect des traditions, son père, ancien membre du parti communiste souvent absent, tente de lui inculquer son sens viscéral de l'honneur. Élève brillant, il bénéficie d'une bourse exceptionnelle pour aller étudier dans un pensionnat de Jérusalem. Humilié par ses camarades juifs, il s'efforce dès lors de leur ressembler, imitant leur accent, leur manière de manger, de s'habiller et apprenant à aimer leur musique jusqu'au jour où, éconduit par la jeune fille juive dont il était tombé amoureux, il sombre dans une grave dépression dont il ne guérira jamais. Adulte, il s'installe dans la banlieue de Jérusalem, dans un village coupé en deux. Après avoir entrepris de vagues études de philosophie, il enchaîne les petits boulots, se marie avec une jeune femme de son village natal et sombre dans l'alcoolisme. En quête d'une réponse sur son identité, il se tourne en vain vers la religion – son pèlerinage à La Mecque est un échec retentissant – avant de retrouver sa maison natale, une grand-mère sénile et des parents vieillissants dont il se sent de plus en plus différent, condamné à vivre entre deux mondes auxquels il est étranger.

Ce témoignage original est sans complaisance. Il décrit avec émotion la vie d’Arabe israélien et ses déchirements identitaires, en mêlant avec le tragique et… l’humour arabe. Une variante de l’humour juif. Ce qui n’empêche, qu’en 2014, l’auteur a finalement décidé de quitter Israël, et de partir vivre avec sa femme et ses trois enfants en Illinois, après avoir confié qu'il n'arrivait pas à faire changer les mentalités des Israéliens juifs envers les Arabes par ses écrits : « une majorité désespérément déterminante dans le pays ne reconnaît pas à l’Arabe le droit de vivre, en tout cas pas dans ce pays. »

Les Arabes dansent aussi
Editions de l’Olivier, collection Replay.
Auteur : Sayed Kashua.
Traduit de l’hébreux par Katherine Werchowski,
Pages 208
Prix : 12,90 euros.

 

 


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