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4 3 2 1 : Paul Auster, un personnages, quatre vies possibles…

AusterPar Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Un pavé. Bien épais, bien lourd- plus de 1 000 pages. Pour fêter son soixante-dixième anniversaire, l’Américain Paul Auster s’est lancé dans une aventure littéraire extra-ordinaire- résultat : ce nouveau roman colossal et « énorme » titré simplement « 4 3 2 1 ». Ça a des allures de compte à rebours, ce livre - son dix-huitième roman- que le romancier, star des lettres américaines, a commencé à 66 ans, l’âge qu’avait son père quand il est mort… Alors, Auster qui, dans le passé, a livré une magnifique « Trilogie new yorkaise » (1985-86), « Léviathan » (1992) ou encore « Brooklyn Follies » (2005) a voulu écrire, avec ce dix-huitième roman, un texte aux allures définitives. Non pas un testament ou une autobiographie, ce n’est pas le genre de la maison, mais plutôt le livre d’une vie. Et puis, rapidement, il s’est aperçu qu’il faisait fausse route. Décide de s’en tenir à l’enfance et à la jeunesse, périodes durant lesquelles on passe de l’insouciance enfantine à l’âge d’homme, et de prendre un seul personnage, Archibald Ferguson. Un personnage né en 1947 à Newark, New Jersey (comme Auster !) et qui vit et grandit à New York (comme Auster !), « cette chère ville de New York sale et envoûtante, la capitale des visages, la Babel horizontale des langues humaines »… On va apprendre aussi que, selon la légende familiale, le grand-père nommé Isaac Reznikoff a quitté, un jour, sa ville natale- Minsk ; il est parti à pied, il avait 100 roubles cousus dans la doublure de sa veste. Il passe par Varsovie, poursuit à Berlin avant d’arriver à Hambourg où, là, il embarque sur le bateau appelé « Impératrice de Chine ». Voyage sur les eaux de l’Atlantique, arrivée à New York le premier jour du 20ème siècle. À Ellis Island, nouvel arrivant sur le territoire américain, Isaac Reznikoff est rebaptisé Ferguson- c’est le début de l’histoire…

Dans « 4 3 2 1 » qui vient de remporter le prix du Livre étranger 2018 décerné par FranceInter et « Le Journal du Dimanche », livre aussi dense que labyrinthique, le romancier a pris le parti d’envisager quatre vies pour Archibald. Dans ces mille pages, il y aura donc Archibald 1, Archibald 2, Archibald 3 et Archibald 4. Un destin différent pour chacun. « Quatre garçons ayant les mêmes parents, le même corps, le même patrimoine génétique, mais chacun vivant dans une maison différente, dans une ville différente, avec sa propre panoplie de circonstances », lit-on. Vite, on sait qu’Archibald (quelle que soit sa version) est Américain, juif et blanc, qu’il vit dans la banlieue new yorkaise dans les années 1950- 1960. En creux, on comprend que c’est là le fond commun du personnage, qu’il soit 1, 2, 3 ou 4. Après, c’est le jeu des variations, des possibilités, de la « musique du hasard » comme le dit Paul Auster. Ainsi, on va suivre et découvrir un personnage sportif exempté de guerre du Vietnam et plusieurs possibilités : il est francophile (1, 3 et 4, sauf le 2 qui pourtant lit « Le Comte de Monte-Cristo » d’Alexandre Dumas), il traduit de la poésie française (1), il est hétérosexuel (1 et 4), critique cinéma (3), écrivain (3 et 4) et/ ou voue une passion pour le journalisme (1 et 2).
Dans ce « pays déglingué »- l’Amérique des fifties et des sixties, Archibald avait, selon Paul Auster, « l’impression d’être plusieurs personnes à la fois ». Grand roman d’apprentissage, étude littéraire d’une période de la vie où tout se construit, où tout se joue, « 4 3 2 1 » raconte tant la croisée des destins que le vertige des hasards. L’écrivain américain, l’auteur du cultissime « Moon Palace » a tenu à préciser que son projet, très vite, « consistait à faire de l’écrivain le biographe de son personnage en jouant avec les ramifications du destin. En superposant les différents chemins que peut emprunter l’existence d’un individu né de parents donnés à une date donnée, avec un matériel génétique déterminé ». Exemple de maîtrise technique, avec « 4 3 2 1 », Paul Auster signe le grand livre des coïncidences et des bifurcations, de l’identité et du hasard.

4 3 2 1

Auteur : Paul Auster
Editions : Actes Sud
Parution : 3 janvier 2018
Prix : 28 €

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