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Polars : Des nouvelles noires de la planète Marseille

dernier taclePar Guillaume Chérel - Lagrandeparade.com/ Le regretté Jean-Claude Izzo, auteur d'une trilogie marseillaise qui a fait date, peut dormir tranquille, la relève est là. Deux styles, deux manières différentes de voir et vivre à Marseille, qu'ils connaissent comme les poches sous leurs yeux de vieux briscard du polar. Tout d'abord Del Pappas, alias Gilles, dans le civil, dit « le Grec », comme le blaze de son personnage récurrent, depuis plus de vingt ans : Constantin. Toujours là où on ne l'attend pas. Comme son créateur, qui vient de commettre un polar avec l'ex-international Emmanuel Petit : Dernier tacle, qui commence par le meurtre de l'entraîneur de l'OM.

Clémentine Paccini, jeune commissaire de l'ex-36 quai des Orfèvres, forte tête et pas­sionnée de gastronomie, est dépêchée en urgence à Marseille, où elle se plonge dans un dossier brûlant de la FIFA, aux côtés du directeur de l'enquête, Romain Dugrand. Clémentine va devoir éviter les tacles de milieu presque exclusivement masculin, que Petit connaît bien. Et lorsque d'autres meurtres se succèdent à la Commanderie (le centre d'entraînement marseillais), la fliquette va voir se réveiller de douloureux secrets... Ta ta tinn !!! Droit au but, c'est la devise du club. L'enquête, comme le récit, est menée avec efficacité.

Le grand Del Pappas s'y connait mieux en gastronomie (il propose ses recettes à la fin de son livre) qu'en football, mais il s'en sort bien, grâce à Petit, avec ce polar de commande, co-écrit avec un ex-footballeur professionnel qui sait de quoi il parle ; et n'a jamais eu sa langue dans sa poche, notamment pour oser s'opposer à l'icône marseillaise, Zinedine Zidane. On retrouve d'avantage la verve du San Antonio Marseillais (on pourrait aussi le comparer à Manuel Vazquez Montalban) dans cette nouvelle aventure : Le Goya de Constantin qui se déroule à la fin des années 1980 (on compte encore en francs et Constantin roule en « Bleue »). Une fois n'est pas coutume, son anti-héros enfreint la loi en dérobant un tableau de Goya, pour rendre service à une amie, conservatrice du musée où il était exposé. Voilà notre Constantin... à Hambourg, pour tenter de vendre le tableau. Mais il est poursuivi par des voyous qui ont assassiné la conservatrice, retrouvée défenestrée. Aidé de Bella, commissaire de police allemande, il tente tout pour conclure la vente et venir en aide à la fille de la conservatrice, orpheline et malade.

constantin Ce 22ème épisode des aventures de Constantin est l'occasion d'une surprenante balade en Allemagne et dans les méandres du marché de l'art. Mais le principal intérêt n'est pas là, il est dans la langue de Del Pappas : on croirait l'entendre parler, avé l'accent Cannebière, et pas pastaga... Ne lui en déplaise : « Marseille et sa rade sont de vraies banastes à gallines ! Du temps où j'avais mon pointu, j'en avais embarqué, des estrangères ! ». Ses formules nous régalent : « Bienheureux les fous, car ils bronzent à l'intérieur de l'âme, grâce aux fêlures qu'ils ont dans le crâne ! » Et il en a dans le ciboulot, le Constantin : « Que j'aimais cette cité et ses divers habitants, mais qu'est-ce que je détestais ces édiles incapables, bouffons, gros malins! Une vraie ville populaire, intelligente, sensible, créatrice, prenant elle-même en charge les incapacités de ses dirigeants. » Bref, du Del Pappas pur jus, avec sa voix, sa faconde, le sens du rythme. L'essence même d'un véritable écrivain.

Cédric Fabre, qui vit également à Marseille, mais n'y est pas né, est plus sobre dans sa manière d'écrire. Tout aussi engagé, plutôt à gauche, tendance Joe Strummer, le leader des Clash, il aime décrire le milieu rock plus ou moins underground. Ici, il est question de Florida Meyer, documentariste, qui réalise des films sur des sujets sociaux, en particulier sur des « déclassés », tels les SDF. Florida est l'amante de l'avocat Guizot, le mari de sa meilleure amie Marlène. De cette relation, elle n'attend rien de précis si ce n'est le fait de passer quelques bons moments. Or, un week-end, Philippe Guizot a inventé un prétexte pour qu'ils le passent du bon temps ensemble, dans les gorges du Verdon, en Haute-Provence. Mais Guizot fait une chute mortelle. Florida pense avoir la solution - afin de ne pas nuire à la réputation de l'avocat et de préserver sa famille -, elle place le corps dans le canoë que tracte la Triumph TR4 de son amant. Une rutilante décapotable, vintage, rouge sang... comme le nom de la collection qui le publie chez Plon (Sang Neuf).

Or donc, Georges Maheu, un randonneur, a été témoin de l'accident. Il aide Florida à rapatrier le cadavre à Aix, où habite l'avocat. Maheu et Florida vont bientôt prendre avec eux un auto-stoppeur, Renan, qui s'affiche « anti-système » pas vraiment gilet jaune, plutôt anar. C'est un admirateur de Franck Mata, un syndicaliste médiatique (genre Ruffin / Mélenchon de la France Insoumise plus que Che Guevara), qui utilise le rock pour véhiculer ses messages de révolte. La période s'y prête puisque se multiplient les licenciements suite à des fermetures d'entreprises. Le retour vers Aix, de Florida et Maheu, est sans cesse interrompu par divers contretemps, pendant que la France se met en grève... ça vous rappelle quelque chose ? Fidèle à son style rock-culture (dès le début on est dans l'ambiance), déjà bien présent dans "Marseille Burning" et "Un bref moment d'héroïsme", Cédric Fabre prend pour prétexte l'actualité sociale pour nous livrer un road-trip à l'américaine qui rappelle un peu le regretté James Crumley, mais aussi Jim Harrison qui savait fort bien se mettre dans la peau d'une femme (cf. Dalva). C'est ce qui s'appelle un compliment.

Le Goya de Constantin
Auteur : Gilles Del Pappas
Editions :  Marge Noire / Borée
Parution : 14 juin 2018
251 pages 
Prix : 18, 90 €

sang neufDernier tacle
Editions : Seuil policier
Auteurs : Gilles Del Pappas et Emmanuel Petit
250 pages 
Prix : 18 €
Parution : 7 février 2019

La folle cavale de Florida Meyer
Editions : collection Sang Neuf / Plon
Auteur : Cédric Fabre
294 pages
Parution : 11 octobre 2018
Prix : 18 €

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