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Dominique Sylvain : Voyage au bout de l’enfer des entraîneuses de Tokyo

CVTPar Guillaume Chérel - Lagrandeparade.fr/ En une vintaine d’années, Dominique Sylvain est devenue l’une des valeurs sûres du polar français. Née en 1957 à Thionville, en Lorraine, elle travaille pendant une douzaine d’années à Paris, d’abord comme journaliste, puis comme responsable de la communication interne et du mécénat chez Usinor. Puis, pendant treize ans, elle a vécu avec sa famille en Asie. Tokyo, où elle a passé dix ans, lui a inspiré son premier roman Baka ! (1995). Sœurs de sang et Travestis (1997 et 1998) ont été écrits à Singapour. Elle habite actuellement à Paris mais reste très attachée à l’Asie où elle se rend régulièrement. Elle se consacre, désormais, exclusivement à l’écriture. Ses seize romans ont tous été publiés dans la collection Chemins Nocturnes, aux Éditions Viviane Hamy.

Elle a fait du chemin depuis Vox, un de ses premiers polars, qui obtint le prix Sang d’encre en 2000. Un an après, elle publiait Strad (comme Stradivarius) dont la couverture montrait le joli dos tatoué d’une japonaise nue. C’est le thème principal (le tatouage) d’Irezumi, polar culte, paru en 1951, du japonais Akimitsu Takagi, réédité par les éditions Denoël dans la collection Sueurs Froides. Tokyo, été 1947, on retrouve les membres d’une femme assassinée : son buste est recouvert d’un magnifique irezumi, célèbre tatouage intégral pratiqué par les yakuzas… Ce qui nous ramène à Dominique Sylvain qui a longtemps vécu au Japon, dont elle connait les codes comme sa poche. Défendu depuis ses débuts par Gérard Collard (dit « Gégé la Colère »), libraire de la Griffe Noire, et chroniqueur littéraire dans l’émission sur la Santé de la 5, elle confirme son talent avec Kabukicho, titre de son nouveau roman noir, tiré du nom d’un quartier mal fâmé de Tokyo.  
L’anglaise Kate Sanders est l’hôtesse star du Club Gaïa. Celle avec qui tous les clients veulent passer du temps. Cet établissement où le sexe n’est pas une obligation, une exception dans le quartier chaud de Kabukicho, est dirigé par une mama-san, qui paie bien. Kate propose à Marie, une jeune française croisée par hasard, de la faire embaucher au Gaïa. Les deux femmes deviennent colocataires. Une véritable amitié se tisse, tandis que Marie rêve en secret de publier son premier roman. Un soir, Kate ne vient pas au travail. Le lendemain, son père reçoit une photo d’elle sur son téléphone. Elle a les yeux fermés. Un message accompagne cette image : « elle dort ici ». Commence alors une enquête délicate, avec le capitaine Yamada, qui va tenter de comprendre ce qu’il se passe…
Dominique Sylvain développe avec subtilité son récit jusqu’au dénouement final à rebondissement. Son point fort c’est qu’elle sait surprendre, sans user d’effets de plume outranciers ou de violence gore exacerbée. Elle connaît si bien le Japon qu’elle n’a pas besoin d’en rajouter. Tout en n’hésitant pas à bousculer le lecteur en lui imposant un suspense étouffant. Elle joue avec lui comme le chat avec la souris, ou l’entraîneuse qui feint d’être moins intelligente que son client. C’est raffiné, ciselé, sans fioritures. Une vraie geisha du polar, experte dans l’art de préparer le thé mais capable de nous envoyer une page de café brûlant au visage. Et ça brûle, comme le quartier de Kabukicho, la nuit tombée. Fausses piste et faux-semblants sont au programme. Vous voilà prévenus… mais Dominique vous aura quand même. On appelle ça une femme fatale ou l'on ne s’y connait pas. Une bonne auteure de polar, en tout cas.

Kabukicho, de Dominique Sylvain, 286 p, 19 €, Viviane Hamy
Irezumi de Akimitsu Takagi, traduit du japonais par Mathilde Tamae-Bouhon, 288 p, 20, 50 €, Denoël (Sueurs Froides).

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