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Quinze causeries en Chine : J.-M.G. Le Clézio au temps de l’« interculturel »

quinze causeriesPar Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Depuis près de soixante ans et la parution du « Procès-verbal » (1963), il illumine les lettres françaises. En 2008, il a été récompensé du prix Nobel de littérature. A 79 ans, Jean-Marie Gustave Le Clézio brille toujours autant par son élégance que par sa discrétion. Ce printemps, il se présente à nous à nouveau. Avec « Quinze causeries en Chine »- sous-titre : « Aventure poétique et échanges littéraires ». D’autres, et ils sont si nombreux, passent de ville en ville pour des conférences (rémunérées, ça va de soi !), « JMG » lui préfère les causeries. Ainsi, lui qui fréquente la Chine depuis tant et tant d’années, il y passe chaque année trois mois et y délivre des causeries. Dans ce nouveau livre, donc, son traducteur Xu Jun a rassemblé et annoté quinze « causeries » de l’écrivain français.

Dans un brillant avant-propos, Xu Jun raconte « son » Le Clézio qu’il a découvert en 1977 : « D’abord, je découvre que Le Clézio aime passionnément lire. (…) Ensuite, je découvre que Le Clézio est toujours à l’écoute d’autrui. C’est une vertu précieuse que de vouloir prêter l’oreille aux autres, une vertu particulièrement importante pour l’existence de l’homme. (…) Ma troisième découverte : Le Clézio aime l’aventure parce qu’il n’aime pas la répétition. Il est toujours sur la route du dépassement de soi-même ». Donc, en un peu plus de deux cents pages, sont rassemblées quinze causeries délivrées de 2011 à 2017 principalement à l’université de Nankin- thèmes variés : par exemple, « La cité des écrivains », « Le livre et notre monde », « De l’écrivain en des temps difficiles », « Rapport entre la science et la littérature », « La littérature et la vie » ou encore « Rêver, chercher l’aventure ». De toutes ces interventions, de ces échanges, de ces textes, deux constats : 1/ J.-M.G. Le Clézio est un homme d’incertitudes et 2/ il n’est pas un piéton des idées, mais un arpenteur. On se glisse dans les pas de Le Clézio, on est à Paris, à Nankin, en Inde ou encore en Corée du sud. Avec l’écrivain franco-mauricien, on passe d’Occident en Orient. On s’interroge.
L’écrivain a-t-il un rôle moral ? A-t-il une responsabilité dans la vie sociale ? Est-ce que ce qu’il écrit concerne nos problèmes quotidiens ? Est-ce que ce qu’il écrit donne une direction pour la vie ? Est-ce que ce qu’il écrit a une valeur humaniste ? Avec J.-M.G. Le Clézio, pas de réponses prémâchées, pas de prêt-à-penser, c’est le temps de l’incertitude. Peut-être, peut-être pas- et toujours, le soutien d’une culture planétaire. Mieux que « la périlleuse illusion » de la mondialisation- « ce terme recouvre des progrès indéniables, en matière de sciences médicales ou de technologie. Il sert aussi à dissimuler le retour d’un colonialisme », avec l’auteur de « Quinze causeries en Chine », c’est le temps de l’interculturel- il explique : « Je suis un militant de l’« interculturel », comme d’un idéal qui est loin d’être atteint actuellement. Si on classe les États (à la manière d’Amartya Sen*) selon leur capacité de réaliser l’interculturel, des pays comme la Bolivie ou l’Équateur apparaissent au premier rang ».
Grand curieux de la Chine depuis son enfance et la lecture du récit de Marco Polo, Le Clézio ne manque pas d’évoquer le livre. A-t-il un avenir sous forme papier, peut-il y avoir cohabitation entre le livre papier et les nouveaux supports numériques ? Réponse : « Pour moi, cela n’est pas en contradiction, la lecture sur écran est un des moyens d’accéder au livre, mais j’appartiens à une génération qui lisait en bibliothèque, et je préfère ce support- de même que je préfère écrire à la main, au stylo à encre sur du papier… » Au hasard d’une autre causerie, c’est l’évocation de l’art comme indispensable à l’équilibre psychologique de l’humanité- encore Le Clézio : « Pour prendre l’exemple de l’Orient (…), il me semble que la pratique des sciences (astrophysique, sciences de la terre, sciences pures) permet de développer une autre forme de rationalité, qui n’exclut pas l’instinct, ni l’invention poétique. Plutôt que l’excès de rationalité, le danger serait dans l’excès de spécialisation. L’art lui-même est un exercice composite, où le réel et l’imaginaire se complètent… »

Quinze causeries en Chine
Auteur : J.-M.G. Le Clézio
Editions : Gallimard
Parution : 2 mai 2019
Prix : 19,50 €

[bt_quote style="default" width="0"]Les livres sont nos biens les plus précieux. Ils ne sont pas seulement des témoignages du passé, ils sont aussi des vaisseaux d’exploration, qui nous permettent de mieux comprendre le monde qui nous entoure. En lisant Au bord de l’eau ou Quatre générations sous un même toit, je m’aventure dans une autre culture et j’y découvre des vérités différentes de la mienne. Mais cette aventure est aussi une aventure intérieure, qui me permet de découvrir la part chinoise qui est en moi-même.[/bt_quote]

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