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La vie de merde de mon père, la vie de merde de ma mère et ma jeunesse de merde à moi : Andreas Altmann dans les abîmes de la condition humaine

actes sudPar Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Avouons-le d’emblée- voici un livre qui brille de mille feux d’abord par son titre. Un de ces titres qui attirent à coup sûr le lecteur : « La vie de merde de mon père, la vie de merde de ma mère et ma jeunesse de merde à moi ». L’auteur : Andreas Altmann, né le 3 octobre 1949 à Altötting- ville d’à peine 13 000 habitants surnommée « le cœur de la Bavière et un des cœurs de l'Europe » par le pape Benoît XVI et centre de pèlerinage marial depuis le 9ème siècle. Par son éditeur, on sait qu’avant d’écrire, Altmann a étudié les arts dramatiques, été comédien, voyagé en Afrique (qu’il a traversée sur le toit d’un camion), en Inde (qu’il a sillonnée en train) et aux Etats-Unis. Ses premiers écrits, à la fin des années 1980, il les réserve à des revues allemandes comme « Geo » ou encore « Stern »- on le présente alors comme l’un des plus fameux reporters de voyage. A partir de 1992- date de son installation à Paris, il se consacre exclusivement aux voyages et à l’écriture : en 2011 en Allemagne, il publie un récit autobiographique titré « Das Scheißleben meines Vaters, das Scheißleben meiner Mutter und meine eigene Scheißjugend », dont on a enfin la VF avec ce titre « La vie de merde de mon père, la vie de merde de ma mère et ma jeunesse de merde ». Un titre immensément long qui oblige à l’excellence pour ce qui va suivre…

Et Andreas Altmann tient, dans ses écrits en 330 pages, la promesse du titre. Après une belle citation du poète italien Giuseppe Ungaretti (1888- 1970) : « C’est mon cœur le pays le plus ravagé », on est parti pour 168 chapitres tout en ironie et colère et une postface. « Je suis venu au monde dans un cri de désespoir. Celui de ma mère. C’est en découvrant mon sexe que ce sanglot hystérique lui est sorti de la gorge. Signe d’une déception cruelle. Pour elle, tout ce qui était masculin- et quoi de plus masculin qu’un zob- était un symbole de bassesse et d’oppression », lit-on. Pour l’hebdo allemand « Die Zeit », le livre d’Altmann est « ce qu’on a pu lire de mieux et de plus féroce depuis « Extinction » de Thomas Bernhard, sur les abîmes de la condition humaine ». Ce n’est pas triste dans « La vie de merde de mon père,… » : on y croise un père totalement anéanti par la Deuxième Guerre mondiale qui frappe son fils encore et encore jusqu’à lui en faire perdre connaissance. Une mère, aussi, incapable de protéger ses enfants et tellement faible qu’elle sombre dans la dépression. Un fils (en l’occurrence, l’auteur) qui cherche tous les moyens pour ne pas tomber… Et puis, il y a des prêtes et fanatiques et pédophiles, d’anciens nazis qui ne connaissent pas les mots « regret » et « remords », des femmes certaines complices, d’autres humiliées… mais la grande force de ce livre tient dans le fait qu’à aucun moment, Andreas Altmann ne coule dans le glauquissime. Au contraire, après vingt années de thérapies diverses et variées, il a trouvé la voie vers une vie libre tout en mettant fin aux « injonctions hystériques »…

La vie de merde de mon père, la vie de merde de ma mère et ma jeunesse de merde à moi
Auteur : Andreas Altmann
Editions : Actes Sud
Parution : 2 mai 2019
Prix : 22,50 €

[bt_quote style="default" width="0"]Le professeur principal n'avait pas grand-chose d'autre à ajouter à mon sujet. Si ce n'est que j'avais « besoin de me mettre en valeur », et que j'étais « impertinent et difficile à gérer ». Rien d'étonnant à ce qu'un enfant qui ne valait rien aux yeux de son père cherchât ailleurs une forme de reconnaissance. Mais cette appréciation, « difficile à gérer », cette formulation étrange et entièrement négative, me plut. Je devais déjà avoir l'intuition, enfant, qu'il ne fallait pas se laisser faire. N'avoir aucune valeur et pourtant se montrer impudent, voilà qui témoignait d'un certain désir de survie.[/bt_quote]

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