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James McBride : gloire au parrain !

  • Écrit par : Serge Bressan

AmeriquePar Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Une belle promesse : une histoire en béton, une grande surface remplie d’articles bon marché à la disposition du premier écrivaillon venu qui cherche l’équivalent de ces cinq minutes de gospel incontournables auxquelles on a droit aujourd’hui dans n’importe quel spectacle à Broadway.

Mieux : une histoire pourrie pour une musique géniale. C’est le roman-fleuve de la vie de James Brown, le parrain de la soul music, le créateur d’hymnes éternels comme « Sex Machine », « I Feel Good » ou encore « Please, Please, Please ». C’est « Mets le feu et tire-toi », le « romenquête » formidable de James McBride, compositeur, scénariste, musicien de jazz et écrivain récompensé en 2013 par le National Book Award pour « L'Oiseau du bon Dieu ». Longtemps, McBride a hésité à répondre favorablement à une commande- une biographie sur le dieu de la soul- il explique : « Des biographies de James Brown, il en existe déjà quatorze ! Que pouvais-je apporter de nouveau ? Sur le sujet, tout le monde se dit expert : un documentaire par-ci, un livre par-là, un film à gros budget, tous conçus par des gens qui « le connaissaient » et qui « l’aimaient », comme si une telle chose était possible… Et puis, j’ai dit oui parce qu’après mon divorce, j’avais des problèmes financiers… »

Né le 3 mai 1933 à Barnwell (Caroline du sud), mort le 25 décembre 2006 à Atlanta (Géorgie), James Brown fut un dieu- et un monstre. Ou vice-versa. Il dansait comme personne. Il était un showman d’exception. Il demeure un des pionniers du funk et l’une des idoles du peuple afro-américain. En quarante-cinq ans de carrière, il a vendu plus de 200 millions de disques, reçu quarante-cinq disques d’or… Un dieu. Un fou, aussi. Qui a fricoté plus que l’entendement ne l’admet avec les drogues, les alcools. Qui a boxé les femmes qui l’entouraient. Qui a été condamné à de nombreuses reprises. Qui assurait vouloir « être plus grand que la vie ». Qui, à la fin des concerts, disait à son manager : « Mets le feu et tire-toi »… Ecrivain de tempérament, James McBride s’est glissé dans les pas du « Godfather of Soul ». A mené l’enquête, lui qui a grandi dans le Brooklyn des années 1960 alors que dans le quartier voisin, habitait James Brown. McBride a souvent rêvé, enfant et ado, de pénétrer dans « la maison du mystère », la demeure de J.B. mais avoue, aujourd’hui, ne jamais l’avoir vu, ni croisé…
Le texte de James McBride sonne comme un riff de guitare enfiévrée, comme un solo de saxo quand on se balade sur le versant sauvage. En rien, « Mets le feu et tire-toi » n’est un roman classique- son auteur décrit sa méthodologie, dit s’être aventuré dans la carcasse d’une vie détruite et en ruines. « Une vie brisée, puis celle qui se cache derrière la première, et encore celle qui se cache derrière la deuxième ; se frayer un chemin dans le dédale des avocats féroces qui ont fait la queue pour arracher un morceau de cette carcasse ; écouter les histoires racontées par les musiciens fauchés qui ont sillonné le monde couverts de gloire pour finalement rentrer chez eux les poches vides ; tenter d’y voir clair dans ces soi-disant experts musicaux qui ont pioché dans les tripes et dans l’histoire d’un type pour essayer de se faire du fric. À chacun sa combine en ce bas monde. En attendant, celui qui a assuré le spectacle, il est plus mort que de la bière vieille de deux jours, et son héritage se retrouve éparpillé un peu partout, sauf là où il voulait qu’il aille… »  
« Mets le feu et tire-toi », c’est aussi un grand texte, un grand roman sur l’Amérique. Celle des années 1960-1980. Celle où, en Caroline du sud, « pendant la journée, les Blancs sont tout sourire, mais la nuit venue ils déversent sur cette chose tellement de mépris qu’elle se flétrit d’elle-même et s’enfuit en rampant comme un reptile. Il n’y a même pas une inscription pour marquer l’endroit où est venu au monde le plus grand chanteur de soul que ce pays ait connu. Pourquoi mettraient-ils quelque chose ? Ils le haïssent. Il y avait bien un panneau à la frontière de l’État, mais après sa dernière arrestation, ils l’ont enlevé… » Au plus loin des racines de la colère noire, James McBride s’est avancé, a exploré. Il y a trouvé un personnage fascinant, mystérieux, charismatique- tous éléments utiles et nécessaires pour, « Please, please, please », mettre le feu et se tirer !

Mets le feu et tire-toi
Auteur : James McBride
Editions : Gallmeister
Parution : 4 mai 2017
Prix : 22,80 euros


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