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Lydia Padellec : "j’élabore la maquette, j’imprime, je massicote, j’assemble et je relie avec le « fameux » fil bleu. Tout est fait main."

  • Écrit par : Claude Clément

PhotoPar Claude Clément - Lagrandeparade.fr/  Entretien avec Lydia Padellec, créatrice des éditions de poésie : La Lune bleue. 

Depuis quand existe votre maison d’édition ?

Les éditions de la Lune bleue ont été créées en mars 2010, centrées sur les poètes contemporains, vivants et ancrés dans la société d’aujourd’hui.

L’édition de textes poétiques paraît souvent bien différente de celles de romans ou d’autres types de textes. Quel est votre mode de fonctionnement ?

Je suis seule à gérer cette petite maison d’éditions et j’effectue tout de A à Z : je prends contact avec le poète et l’artiste avec qui je souhaite faire un livre (je refuse de recevoir des manuscrits) ; j’élabore la maquette, j’imprime, je massicote, j’assemble et je relie avec le « fameux » fil bleu. Tout est fait main. Je suis mon propre diffuseur, distributeur et libraire (les ventes se font souvent lors de salons et de rencontres, parfois via le site officiel sur Internet) – en fait, hormis les auteurs, je suis en quelque sorte une chaîne du livre à moi toute seule. Pas de subvention, aucune aide extérieure, il s’agit d’autofinancement : la vente des livres me permet d’acheter mes papiers et mes encres, donc pas de salaire non plus ! C’est le prix à payer pour être libre et ne pas avoir de « compte à rendre ». Je tiens aussi à préciser que la Lune bleue est une maison à compte d’éditeur ! Sur les 50 exemplaires fabriqués, 15 sont remis au poète et 10 à l’artiste et cela constitue leurs droits d’auteur. Étant moi-même écrivain, je sais ce qu’il en découle et bien que précaire, je tiens à rétribuer convenablement mes auteurs.

TristesseVous semblez attachée au mariage du texte et de l’image. Comment procédez-vous ? Le texte est-il générateur d’images ou l’inverse ?

J’ai toujours aimé associer écriture et image : cela remonte bien sûr à l’école où on nous demandait d’illustrer le poème dans nos cahiers de poésie. Ce plaisir vient de là. J’avais huit ans quand j’ai créé mon premier livre (conte et illustrations) – feuilles reliées d’un ruban rose, un geste originel que je retrouve avec le fil bleu des petits livres.
Pour la Lune bleue, je fais d’abord appel au poète qui me propose un ensemble de 8 textes ; le livre au format A6 ne contient que 14 pages couverture comprise. Puis je réfléchis à l’univers d’un artiste qui pourrait se lier aux poèmes. Il s’agit d’accompagnement et non d’illustration. Un seul titre de la collection s’est fait différemment : pour L’homme qui fermait les yeux de Marc Delouze en 2012, j’ai contacté d’abord l’artiste Marc Giai-Miniet que je connais depuis longtemps, un ami qui m’a initié aux livres d’artistes en publiant mon premier ouvrage Lumières de cendre en 2005.

Vos ouvrages très soignés s’apparentent-ils à ce que l’on nomme des Livres d’artistes, à tirages très limités ?

Oui. Ce sont des livres numérotés, signés par le poète, l’artiste et l’éditrice, tirés à 50 exemplaires (pas de retirage). Les cinq premiers exemplaires représentent les Tirages de Tête avec chacun une image originale de l’artiste et un texte manuscrit du poète.
Sur 40 titres édités, 25 sont déjà épuisés.

Êtes-vous poète vous-même ? Et êtes-vous parfois illustratrice (ou peintre ?)

Je suis avant tout poète – la peinture, l’édition, l’événementiel sont secondaires. Pour la Lune bleue, il m’arrive d’accompagner de mes acryliques et collages certains poètes. Par contre, je n’édite pas mes propres textes. Je les laisse au soin d’autres éditeurs.

La poésie est souvent destinée à être lue à voix haute. Participez-vous à des prestations de ce genre ? Et tous vos auteurs (ainsi que leurs textes) s’y prêtent-ils ?

Certains textes ne sont pas faits pour la lecture à voix haute, certains poètes non plus. Personnellement, j’ai déjà lu lors de récitals et de spectacles, accompagnée de musiciens. Concernant mes poètes, lors de rencontres ou du festival que j’organise depuis 2015, ils s’y prêtent chaleureusement.

Vous participez fréquemment à des festivals de poésie. Sont-ils la condition indispensable à la connaissance de « La Lune Bleue » par le public ?

Oui et non. Si j’avais dû attendre après des festivals et des salons pour faire connaître la Lune bleue auprès du public, j’aurais probablement arrêté au bout de deux ans. Le travail de communication est énorme et… épuisant ! Grâce aux réseaux sociaux, à l’organisation de rencontres poétiques à Paris puis en Bretagne où je vis à présent, j’ai pu toucher un lectorat passionné, mais pas toujours facile à fidéliser. Heureusement que je peux compter sur des amis dévoués à la cause poétique !

afficheSur la base de quels critères choisissez-vous vos auteurs et vos illustrateurs ? Avez-vous des lignes éditoriales directrices attribuant un caractère précis à votre maison ou bien êtes-vous ouverte à de nombreux styles ?

Sur la base de l’amitié, de la découverte, de l’admiration : la Lune bleue est avant tout une rencontre humaine, une belle histoire d’amitié autour de la poésie et des arts. Elle est ouverte aux poètes du monde ; quelques titres sont bilingues. Une des particularités de ma maison est d’avoir aussi un catalogue à la parité parfaite : je ne publie que 4 titres par an, en mars et en octobre, et toujours « en couple ». Par exemple en 2011, j’ai édité En passant de Gérard Noiret et Cités d’oiseaux de Cécile Oumhani, un duo que je trouve très bien assorti !
Je reste ouverte à différents styles jusqu’à une certaine limite : je n’édite que ce que j’aime. On y trouve des poètes confirmés comme Salah Al Hamdani, Maggy de Coster, Maximine, Lionel Ray, Gabrielle Althen, Eva-Maria Berg, Sylvestre Clancier, Colette Nys-Mazure, Claudine Bertrand, Bruno Geneste, Marie-Josée Christien, Jeanine Baude, Claude Beausoleil ; des poètes émergeants Aurélia Lassaque, Gilles Cheval, Mérédith Le Dez, Cécile A Holdban, Olivier Cousin, Vincent Calvet et d’autres, issus du haïku, dont c’est le premier livre édité : Vincent Hoarau, Françoise Lonquety et Michel Duflo. J’ai également fait paraître trois anthologies : Voyage au bout des doigts (2012, épuisé) ; D’une fleur à l’autre – 10 haïjins nés à partir de 1970 (2012) ; Ce que la Lune dit au jour – 13 poètes québécoises (2016).
Pour les artistes, je marche au coup de cœur. Des univers très divers. Je vous invite à les découvrir sur le site : http://www.editionslalunebleue.fr/

On dit souvent, dans le milieu général de l’édition, que la poésie « se vend mal ». Qu’en pensez-vous ? Et cela représente-t-il pour vous une réelle difficulté ?

On ne va pas se mentir : la poésie est supposée être élitiste, hermétique, inaccessible. Bien sûr, pour ceux qui sont curieux, ce n’est pas le cas : il y a autant de poésies que d’êtres humains (sans exagération) et chacun peut trouver chaussure à son pied. Il n’y a pas que les universitaires doctorants qui font le poème et en parlent ! La parole poétique se libère et touche toutes les sphères de la société : nous avons besoin aujourd’hui plus que jamais du poème dans ce monde où guettent l’obscurantisme et la bêtise. Des voix de jeunes poètes nés après 1970 commencent à se faire entendre : l’anthologie DUOS (Bacchanales n°59, mars 2018) que j’ai initiée et dirigée rassemble 118 jeunes poètes de langue française, nés entre 1970 et 1992, publiés à compte d’éditeur et actifs en poésie. A ce jour, j’en ai référencé pas moins de 250, le plus jeune étant né en 1999, édité récemment par le Castor Astral ! Si la poésie est inaccessible, c’est surtout parce que les médias l’ignorent et la rendent invisible et s’ils en parlent, c’est rarement en des termes mélioratifs ou dans l’idée que « tout est poésie ». Quelques librairies et médiathèques, que je salue au passage, font le choix d’aménager un rayon poésie (classique et contemporaine) qui ne rencontre pas souvent leurs lecteurs sauf les aficionados – d’où l’importance des rencontres organisées, des événements culturels comme le Printemps des Poètes qui peuvent amener ce public vers le poème.

Quels sont vos nouveaux projets ?

Après 40 titres au catalogue, j’ai décidé en mars 2018, après huit ans de belles rencontres, d’arrêter l’édition. Je souhaite me recentrer sur ma propre création, la poésie mais aussi le roman, l’album jeunesse et la peinture sur toile. Néanmoins, à l’envie et sans toutes les contraintes d’une maison d’édition, je créerai des livres d’artistes à tirage unique ou à moins de dix exemplaires, en laissant libre court à ma fantaisie. La Lune bleue continuera à faire salon jusqu’à épuisement du stock.

Dernières parutions en mars 2018 lors du 4e Festival Trouées poétiques :

• Parfois minuit /Parfois matin de Gérard Cléry avec les aquarelles de Michel Le Sage
• Poèmes d’Alya d’Isabelle Lagny avec les gravures de Danielle Péan Le Roux

Le site de La Lune Bleue


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