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La Nostalgie de l’honneur : l’homme qui voulait être à la hauteur de son grand-père…

  • Écrit par : Guillaume Chérel

honneurPar Guillaume Chérel - Lagrandeparade.fr/ "La Nostalgie de l’honneur" est le premier livre publié par Jean-René Van Der Plaetsen, journaliste et directeur délégué de la rédaction du Figaro Magazine. Et pour un coup d’essai, ce fut un coup de maître, puisqu’il lui valut le prix Interallié 2018 : « C'est un fait, déplore l’auteur, l'honneur n'est pas à la mode. Il n'y a là rien de très étonnant : dans une époque où le cynisme et le scepticisme commettent des ravages, nous en avons perdu le sens. Je me désole chaque jour de constater que ce mouvement de l'esprit et de l'humeur, qui fut si impérieux pour certains hommes, cette injonction perpétuelle, qui vous intime de vous tenir droit, vous rappelle sans cesse à l'ordre, dans la vie quotidienne comme dans ces moments où une décision engage toute une existence, est sur le point de disparaître, expulsé de notre imaginaire, de nos sensibilités, de nos mentalités, un peu comme le seraient les banlieues de notre conscience. »
Encore une biographie familiale serait-on tenté de penser ? Que nenni, les amis. Déjà, un homme qui aime le regretté Jim Harrison ne peut pas être un mauvais bougre… Et puis évoquer le patriotisme et le don de soi pour une juste cause, par les temps qui courent, ce n’est pas commun (on l’a malheureusement récemment constaté avec le sacrifice du gendarme Arnaud Beltrame). Jean-René Van Der Plaetsen a justement décidé de mettre en avant un être hors du commun, et il se demande si ce trait de caractère (le sens de l’honneur) est appelé à ne plus se perpétuer à l'avenir que chez quelques aristocrates en rupture de ban, au sein de cette étrange confrérie qu'est celle des voyous à l'ancienne, ou encore dans la rubrique des faits divers d'un journal local corse… « Bandit d'honneur » : l'expression a quand même plus de gueule que le mot « Vendetta ». L'adolescent qui a lu "Les Trois Mousquetaires" sait pour toujours ce qu'est l'honneur et le jeune Jean-René a eu la chance d’avoir un modèle à suivre dans sa propre famille.
Il faut dire que le grand-père en question avait de la gueule. Imaginez un mix entre Jean Gabin, Lino Ventura et Spencer Tracy, ou Anthony Queen (Paton version française, du genre qui en impose…) mais en plus grand : 1, 85 au moins, ce qui n’était pas courant pour l’époque. Sur des photos, entre trente et quarante ans, il n’est pas ridicule aux côtés du grand Général de Gaulle, et dépasse d’une bonne tête le général Leclerc (un aristocrate au service de la République). Non seulement c’était un colosse mais il ne parlait pas pour ne rien dire, savait donner des ordres clairs et passer à l’action sans tergiverser. L’anecdote (si on peut appeler ça comme ça dans un tel moment historique) de son entrevue tendue avec l’officier allemand, lors de la Libération de Paris, un flingue dans les côtes – sans perdre son flegme -, vaut son pesant de cacahuètes. On se croirait dans un roman de Kessel. Le tout sans être magnifié par un Malraux ou Hemingway montrant leurs biscotos : « Certes, grand-père n’était ni Leclerc ni de Lattre, et encore moins Alexandre ou Napoléon, écrit Van Der Plaetsen, et il n’est pas entré dans les livres d’histoire (…) Il n’est que l’un des maillons, mais un maillon important, d’une chaîne faite d’une addition de courages et de dons de soi qui a permis la libération de notre pays en 1944. »
Compagnon de la Libération, Jean-Crépin fut l'un de ces hommes qui au XXe siècle, siècle marqué par les meurtres à grande échelle, eurent le génie de l'honneur. Sorti de Polytechnique en 1930, il a choisi de servir dans l'artillerie coloniale, attiré par les horizons lointains mais aussi par un désir de se défaire de ce superflu qui alourdit la vie et le cœur des jeunes hommes. Ce héros raconté par son petit-fils nous parle d'un monde qui n'existe plus, où les hommes étaient tendres sans être lâches et capables de mourir pour l'idée qu'ils se faisaient de la vie. Ils l'aimaient, cette vie, mais se méfiaient des plaisirs faciles et de la futilité qui a vite fait d'endormir les esprits les plus ardents. Dans l'action et la bataille, ces hommes-là avaient un sens moral qui n'était pas distinct d'une certaine esthétique, ils aimaient le beau geste, l'élégance, le panache, la fidélité à la parole donnée.
Van der Plaetsen eut la chance de côtoyer l'intimité de ce héros de l’ombre. En lui consacrant ce livre, il fait entrer son grand-père dans le panthéon des combattants oubliés, aux côtés du résistant Jean Prévost, auquel Jérôme Garcin rendit hommage (Le Voyant, Gallimard, 2015), avec une plume aussi affinée que celle de son confrère journaliste. "La Nostalgie de l'honneur" est un beau titre, dont on pourrait croire qu'il sacrifie au découragement, mais c’est l’inverse. Ce sont des mots pour une oriflamme toujours neuve, à brandir dans une époque amnésique. "La Nostalgie de l'honneur" avait reçu fin octobre le prix Jean-Giono et le prix Erwan-Bergot (prix littéraire de l'armée de Terre). En ramenant le prix Interallié à la confrérie des journalistes, Jean-René Van der Plaetsen, qui fut lui-même Casque Bleu au Liban, a réussi son coup d’éclat. Pour l’honneur de son grand-père, un grand serviteur de la France. Au bon sens du terme. Républicain.

La Nostalgie de l’honneur
Editions : Grasset
Auteur : Jean-René Van Der Plaetsen
237 pages
Prix : 19 €
Parution : septembre 2017


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