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Promenez-vous dans les bois : un bon polar terrifiant sur fond d'amnésie et de vengeance

Promenez-vousPar Catherine Verne - Lagrandeparade.fr/ Nora quitte sa vie tranquille d'écrivain un week-end pour se rendre à une invitation d'enterrement de vie de jeune fille. Jusque là, rien de bien angoissant généralement sinon le défi de trouver quoi se mettre sur le dos pour une occasion spéciale. Mais l'occasion va s'avérer très spéciale, du genre requérant la combinaison complète d'une James Bond Girl surentraînée qui n'a peur, mais alors peur... de rien. A commencer par le noir de la nuit, en forêt, qui, immanquablement, engloutit tout promeneur lambda à la lisière de l'angoisse.

Mais bon, on est en présence d'une héroïne, pas d'une mauviette: notre Nora, elle, adore faire son jogging en condition extrême, sous l'oeil adipeux des animaux nocturnes rampant dans la boue crottée des sentiers. Et il faut un tempérament courageux, déjà, quand on est experte en cocooning une fois expédié ce sport hygiénique, pour affronter un week-end aventureux avec une équipe à la pom-pom girl de convives au taux de testostérone +++, entendez qui vont éructer et glousser en mode criard ou pleurnichard entre deux margarita, la playlist de Nostalgie en boucle. Et c'est un peu ce que réalise Nora, quoique trop tard - pas tout à fait en ces termes, mais l'idée y est. Enfin quoi, quelle longueur agaçante à la détente! C'est là qu'on n'y croit plus. On n'arrête pas de lui susurrer, parce que nous, on ne nous la fait pas: "tu n'aurais pas dû venir!" Il faut apparenter ce roman au genre de la science-fiction, autant être prévenu: un écrivain, un vrai, donc un misanthrope ermite qui ignore depuis si longtemps que le monde existe qu'il faudrait l'amener en réa au premier JT réintroduit dans sa bulle, un écrivain ne peut pas survivre à ce type de rendez-vous féminin nian-nian, et même s'il est lui-même constitué du bon sexe pour en être le public prédestiné, le deuxième dans la liste académique. Un écrivain ne quitte sous aucun prétexte son existence ouatée et précieusement prévisible pour courir le renard ou jouer le petit chaperon rouge. Jamais. Parenthèse anthropologique fermée, quel suspense! Quelle montée de la tension! Quels rebondissements! Ruth Ware, une vraie romancière, bien plus pro que sa narratrice écervelée et qui ne ferait pas le quart de ses bourdes, nous embarque dans les transes d'une enquête sur fond d'amnésie et de vengeance, couronnée par un final hitchcockien. Un régal à lire non-stop pour faire passer le temps d'un trajet en train... qui vous mènera peut-être à un prochain enterrement de jeune fille. Un conseil cependant: si l'invitation vient d'une inconnue et concerne une lycéenne avec laquelle vous êtes en froid depuis des années, aux fins fonds des Cévennes sans réseau, là où se tapit le loup du Gévaudan... oubliez de répondre. Découvrez-vous un désir urgent de revoir d'affilée tous les Sex and the City en DVD, un béguin pour le très sédentaire boulanger d'en-dessous, ou, à défaut, une vocation subite d'écrivain, peu importe, mais ne bougez pas de chez vous! Rien de plus jubilatoire d'ailleurs, au lieu de partir en week-end enterrer qui que ce soit,  que de lire un bon polar terrifiant au chaud chez soi par une soirée d'hiver, à l'abri de toutes les turpitudes qu'endurera le héros, quand on a vérifié que tous les lampadaires urbains autour de sa résidence sont opérationnels, l'alarme intérieure branchée, et qu'on sait le mobile prêt à appeler à la première injonction vocale les pompiers, Maman ou tonton Bob en cas d'attaque surprise d'alien mangeur d'homme au huitième. Bref, on lit paré, peinard, loin de la cage en verre perdue dans les bois où Nora entre, malgré tous nos mauvais pressentiments, une certaine nuit glacée. Quand même, prévoyez de ne pas dormir seul après la lecture: les meilleures sueurs froides transpirent aussi bien des murs en dur que des bons bouquins.

Promenez-vous dans les bois

Auteur: Ruth Ware
Editeur: Fleuves
Traducteur: Séverine Quelet
Parution: 11 février 2016
Prix : 19 euros

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