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The Game : Alessandro Baricco à l’ère numérique

gallimardPar Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Tel un Fregoli de la plume, Alessandro Baricco passe d’un genre littéraire à un autre avec une facilité déconcertante. On le connaît pour des romans indispensables (« Soie »), un monologue (« Novecento : Pianiste »), une pièce de théâtre publiée en 2018 (« Smith & Wesson ») ou encore un essai (« Les Barbares. Essai sur la mutation », 2006). Cet automne, on le retrouve dans un nouvel essai, The Game. A 61 ans, le natif de Turin plonge dans le monde numérique. Réfléchit sur cette ère numérique qui a bouleversé tant et tant de paradigmes sociétaux. D’entrée, on est embarqué par une citation de Stewart Brand, Américain de 80 ans considéré comme le « pape de dé-extinction » : « Beaucoup de gens croient pouvoir changer la nature des personnes, mais ils perdent leur temps. On ne change pas la nature des personnes. En revanche, on peut transformer les outils et les techniques qu’elles utilisent. C’est ainsi qu’on changera le monde ».  

En cinq grandes parties (Username, Password, Play, Maps et Level Up), Baricco ne perd pas de temps et emmène dès les premières pages les lecteurs dans le jeu. En 2006 avec « Les Barbares », il avait initié une réflexion sur la mutation des sociétés. Aujourd’hui, treize ans plus tard, tout a changé, on est totalement en immersion dans l’ère numérique. Un temps, on a cru que cette mutation était la conséquence d’une révolution technologique- qu’on ne s’y trompe pas, corrige l’écrivain italien, cette mutation est aussi (peut-être même, surtout) la conséquence d’une insurrection mentale. D’un système analogique, on est passé à un système numérique- passage qu’on peut dater à 1978 avec ce qu’Alessandro Baricco nomme « la vertèbre zéro ». Dans les pages de « The Game », avec son style unique et son écriture limpide, il déroule l’historique des événements fondateurs de cette ère nouvelle, de cette ère qui a bouleversé les habitudes contemporaines.
Présentant son nouveau livre, Baricco a lancé : « Nous vivons dans une civilisation sans mode d'emploi ». Et d’expliquer : « C’est une civilisation où l’on essaie et l’on fait. Je ne suis pas sûr qu’on réalise encore ce que cela veut dire : on a sorti un outil aussi sophistiqué que l’iPhone sans mode d’emploi. Idem pour Google. Un autre point commun, c’est le score. Quand vous jouez, vos résultats s’affichent. C’est la même chose avec les outils numériques. Quand vous publiez un tweet, avec un nombre de « like », de partages. Même chose aussi sur Facebook. Dans l’imaginaire des hackeurs, on ne peut pas imaginer un outil sans résultat… » Dans « The Game », il montre que le numérique n’est pas cause du progrès, et que la conséquence de cette révolution est la mutation de l’être humain en homme-clavier-écran. Les outils, tels les portables (ordinateurs, tablettes, téléphones,…), servent certes à la médiation mais ils sont avant tout des extensions de soi. Est-ce mieux ? ou pire ? La nostalgie n’est plus ce qu’elle était…

The Game
Auteur : Alessandro Baricco
Traduit par Vincent Raynaud
Editions : Gallimard
Parution : 3 octobre 2019
Prix : 22 €

[bt_quote style="default" width="0"]J'essaie de résumer en quelques mots : l'expérience était un geste, la post-expérience est un mouvement. Les gestes mettent de l'ordre dans le monde, les mouvements le déstabilisent. Les gestes raccommodent, les mouvements rouvrent. Chaque geste est un point d'arrivée, chaque mouvement un point de départ. Les gestes sont des ports, le mouvement est le grand large. Mais aussi : les gestes sont fermeté, le mouvement est VIBRATION.[/bt_quote]

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